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LA LETTRE BLEUE
(Chaque matin, une citation commentée par Lucia Canovi)


 

31 décembre 2006

Logique...

Qui connait "Principes de logique" de Victor Thibaudeau ?
A part ses étudiants, je veux dire ?...

Personne. Et on n'en entendra jamais parlé davantage, parce que tout le monde n'a pas intérêt à ce que tout le monde soit intelligent.

"Sois belle et tais toi/sois bête et vote, ou fais du foot..."

Posez des Gestes Hautement Symboliques !

Consommez nos rêves à très bas prix, qualité extra-fin !

Remuez-vous en cadence sur des pistes obscures, déchirées par des lumières artificielles !
Dévalez des pistes noires, rouges ou vertes, couvertes de neige artificielle !
Si vous vous foulez la cheville, ça vous occupera, et si vous ne la foulez pas vous Consommerez !

Vous remuerez !

Car il faut remuer, bouger ! Acheter ! Se remuer pour acheter, et acheter pour se remuer ! L'un ne va pas sans l'autre...

Trémoussez-vous !
Secouez-vous !
Dépensez pour vous trémousser, et trémoussez-vous pour dépenser vos calories excédentaires !

Soyez comme un lièvre lobotomisé, qui ne saurait même plus qu'il y a une course à gagner, et qui sauterait en tous sens sans savoir pourquoi... Mais si, il le sait : il bondit parce qu'il FAUT bondir !

C'est ça le BIEN !
Bougez, bougez, bougez !
Le divertissement est essentiel !

Le corps remue donc - et la tête, elle, posée sagement sur une étagère, accumule les toiles d'araignées.

Votre tête est fragile... ménagez-là.
Ne remuez pas vos neurones en tous sens, on ne sait jamais où elles pourraient vous conduire... méfiez vous de vos questions : ne les touchez pas.
Ne cherchez pas de réponse.

Restez mentalement tranquille.
Inerte.

Vous dites encore que 1 + 1 = 2 ?... En êtes vous bien sur ? Ne soyez pas trop affirmatif... Restez dans la zone que nous avons sécurisé pour vous : mentalement tout va bien, il ne s'y passe rien.
Que du relativisme mou et des énoncés juxtaposés comme ça, à la va comme je te pousse.
Ecoutez le blabla qui endort...

Votre corps remue mais votre tête, elle, somnole...

Entre dans le sommeil paradoxal...

Ne vous débattez pas, c'est pour votre bien : après cette opération, vous n'aurez plus jamais d'angoisse.
Non, ça ne fait pas mal : on ne vous extrait qu'un kist, une tumeur cancéreuse.
Un grose tumeur de matière grise qui occupe tout votre crâne... Vous comprenez l'urgence, n'est-ce pas ?... Si vous aviez attendu davantage pour vous faire soigner, ça en était fait de vous...

Voilà, ça y est...
Vous êtes guéri, vous êtes libéré : on vous a enlevé votre
logique.

Lisez  "Principes de logique".

Un long et court voyage

Comme ce tramway qu'on attend avec impatience : son phare, dans le brouillard de décembre, se rapproche si lentement... mais lorsqu'il passe devant nous, c'est à tout à l'allure... Question de perspective.

La vie est un long et court voyage.
Long d'ennui(s), mais au final, si court.

L'heure de la mort arrivera bien avant qu'on s'y soit préparé... (Encore une minute, monsieur le bourreau !)
L'heure de la mort arrivera très vite, trop vite peut-être.

Et pourtant les passagers s'ennuient sur les banquettes, sans comprendre que ce trajet est une chance unique, une opportunité qui à la différence des opportunités commerciales, ne sera réellement suivie par aucune autre.

04 décembre 2006

Complot

Selon un auteur, "même les paranoïaques ont de vrais ennemis".

Et pourtant, il est de nos jours de bon ton de se rire de ceux qui pensent qu'il pourrait y avoir, ou qu'il y aurait effectivement, un complot de méchants. On juge cette croyance si erronée, qu'on y voit le signe d'une pathologie mentale.

Il faudrait être paranoïaque, et complètement déconnecté du réel pour s'imaginer ne serait-ce qu'un seul instant qu'un complot serait possible...

Et, suite à une campagne bien organisée, "complot" lui-même s'est chargé de connotations dérisoires, comme si un "complot" était quelque chose d'aussi fantasmatique que le Dahu ou le Yéti.

Dorénavant, le mot complot suscite le sourire, un sentiment de supériorité amusé. En effet le mot fait penser à ceux qui croient que les complots sont possibles, et ceux qui croient que les complots sont possibles suscitent eux-mêmes un mépris amusé : faut-il être bête pour s'imaginer de telles billevesées...

Pour savoir ce qu'il en est vraiment, revenons au dictionnaire.

Complot : "Dessein secret, concerté entre plusieurs personnes, avec l'intention de nuire à l'autorité d'un personnage public ou d'une institution, éventuellement d'attenter à sa vie ou à sa sûreté."
ou :
"Résolution concertée secrètement et pour un but le plus souvent coupable."
ou :
"Entreprise formée secrètement entre deux ou plusieurs personnes contre la sûreté de l'État ou contre quelqu'un."

En résumé, comploter c'est se mettre à plusieurs pour organiser secrètement une action contre quelque chose ou quelqu'un.

Qu'est-ce qui dans cette définition est illogique, incohérent, absurde et donc... comique ?...

Est-ce le fait de se mettre à plusieurs pour nuire ?...

Mais la notion très officiellement juridique "d'association de malfaiteurs" ne fait rire personne...

Est-ce le fait d'organiser secrètement une action contre quelque chose ou quelqu'un ?...

Peut-être. De nos jours, il parait vraiment invraisemblable et donc ridicule que des gens qui veulent nuire, n'aille pas le raconter dans les journaux. On pense
que les méchants sont tous des imbéciles incapables de se taire, incapables de garder un plan secret pour le faire réussir.

Qui est le plus stupide, dans l'histoire ?...

[désapprobateur] : "Tu vois le mal partout..."

Ce reproche demande à être expliqué. Il ne signifie pas que le mal est localisé seulement dans certains coins bien précis, mais plutôt que les personnes qui le voient là où il est, sont un peu fatiguantes.

En cherchant bien, on trouve effectivement le mal à peu près partout (ce qui explique que le monde actuel soit un tel cauchemar).

Exemple tiré d'un journal gratuit. La photo représente un beau jeune homme vêtu de noir, au visage serein, impassible. Il tient de la main gauche, par le pied, un bébé. Et de l'autre, une épée laser comme dans Star Wars. Impossible d'interpréter l'image autrement qu'ainsi : le beau jeune homme impassible va trancher la tête du poupon.

L'article explique : il s'agit d'une oeuvre d'art, l'artiste s'est pris lui-même en photo... et le bébé n'est qu'une poupée - tiens, oui, c'est vrai : ce n'est qu'une poupée très réaliste. L'artiste ferait ainsi d'une manière "provocante" l'éloge de la société de consommation...

Au delà de l'incohérence du propos (quel rapport entre trucider un bébé et la société de consommation ?... mais peut-être qu'au fond, il y a bien un rapport, malheureusement...), cet article et surtout sa photo font passer un message.

Et oui.

Et ce message, c'est tout simplement celui-ci : tuer un bébé, c'est cool, c'est jeune, c'est branché, c'est provocant, c'est artistique.

"Non... tu exagères... tu vois le mal partout."

D'accord. Donc, il ne s'agit que d'une oeuvre d'art. Du second degré.

(Ah, le second degré... quelle magnifique invention ! un masque lisse, l'une des stratégies de pointe du Mal post-moderne. Par l'excuse en béton du "second degré", l'immonde a droit de cité, et les incitations aux meurtre se font respectables, honorables. Scream, C'est arrivé près de chez vous... Soupoudrez d'humour les messages les plus pervers, les plus violents, les plus vicieux, et vous aurez du "second degré". Rien de plus cool.)

En fait, nous vivons dans le monde de Candy, où tout le monde est très gentil.
Et le mal n'existe pas.

03 décembre 2006

Les idées, la personnalité

Les tests qui promettent de cerner notre personnalité profonde sont nombreux. Ils oublient de dire que "notre personnalité profonde" change comme un caméléon en fonction des idées qui sont les nôtres.

Lorsqu'on croit CECI, on se met à militer, à s'habiller d'une certaine manière, à parler de telle ou telle façon.

Lorsqu'on se met à croire CELA, on arrête de militer, on rencontre d'autres gens, on fait d'autres activités, on change la couleur de ses cheveux, on parle d'une toute autre manière.

Notre personnalité n'est pas stable. Les idées auxquelles nous croyons la modèle. Et dès qu'on change d'idée, notre personnalité change avec.

Si les féministes sont (souvent) si agressives, ce n'est pas parce qu'une agressivité naturelle les a poussé à devenir féministe, mais inversement parceque les idées féministes ont modelé leur comportement dans un certain sens.

Même chose pour les islamistes radicaux, les anarchistes radicaux...

Les idées travaillent en continu, à la manière de petits maçons invisibles, selon un plan bien précis. Elles déconstruisent et reconstruisent à leur image la personnalité de celui (ou celle) qui les croient.

Les gens s'imaginent qu'ils décident de leur style vestimentaire, de leurs choix ; c'est faux. Ce sont leurs idées qui décident pour eux. Et lorsque les idées sont fausses, les choix sont catastrophiques.

Ceux-là même qui ne croient qu'à ce qu'ils voient, qu'à ce qu'ils touchent, sont les marionnettes de leurs invisibles croyances...

"Je ne crois qu'à ce que je vois" EST un dogme, une idée.

Invisible, comme toutes les idées.

Si l'on pouvait les voir, ces idées omniprésentes, on les verrait peut-être pareilles à des jockeys montés sur le dos des gens, et les dirigeant de la bride et de la cravache.

Surface et souface

On devra toujours choisir entre l'image et la réalité, la surface et la souface.

Les paillettes du spectacle, ou le travail invisible et fécond ?

Gaspiller ses forces en parade, ou les exercer dans un but confidentiel aux silencieux témoins ?

Etre un artiste
pour s'aimer sur un grand écran en couleur,

ou travailler en tant qu'agent secret d'une force véridique et invisible, agissant sans froufrou ni décor à la création d'une nouvelle réalité ?

La polémique bruyante, les insultes et les compliments stériles, encouragements à poursuivre dans une impasse, ou... la guidée juste et secrète, l'énergie concentrée vers un but invisible et certain, lointain ? La réalité est toujours invisible, déterminante. La graine qui pousse dans la terre le fait invisiblement, à l'abri des regards, des critiques. C'est ce silence protecteur-là qui autorise toutes les germinations. Sans lui, le futur meurt aux ricanements d'un public imbécile.

Du visage enfin s'élaborer un masque, pour glisser invisible entre les grands poissons carnivores. Epouser fidèlement la trajectoire aux volutes nécessaires... chemin apparemment tortureux, réellement droit, qu'une lumière sincère a tracé à travers le chaos.

Et pourtant, qu'elle est tentante la solution de facilité ! Satisfaction superficielle à court terme pour échec programmé... Il suffit se de gaspiller en paroles vaines, de remuer les mots pour des oreilles qui n'entendent pas, et disent quand même "bouh!" ou "bravo!" - sans résultat. Faire son petit numéro... récolter quelques fleurs coupées, quelques baffes : au moins il se passe quelque chose.

Temps perdu, définitivement gaspillé.

01 décembre 2006

A la recherche de l'amour

L'intuition (ou la croyance) est celle-ci : que lorsque nous serons avec une personne que nous aimons et qui nous aime, l'univers, notre univers, trouvera enfin son équilibre. Chaque chose comme chacun trouvera enfin sa juste place, et même si cet instant ne dure qu'une minute, qu'une seconde, cela vaut la peine de vivre pour lui.

Vrai et faux...

L'amour est bien cette rose qui embaume tout autour d'elle, mais...

Mais si l'on a pas un petit bout de jardin, du terreau, de l'eau, des instruments de jardinier... ou si on ne connait pas quelqu'un qui est déjà jardinier... son parfum suave sera éphémère. Obnubilé par l'amour, on le cherche sans chercher ce qui le rend possible. Pareil à un assoiffé qui erre dans le désert.

Avant de chercher la rose, chercher le terreau où poussent toutes les fleurs (rose, jasmin, etc.)

L'amour, comme n'importe quelle plante belle ou utile, ne pousse que dans un environnement favorable. La question : qu'est-ce qu'un environnement favorable à l'amour ?...

Pour le savoir, il faut comprendre ce qu'est un environnement défavorable.

Un environnement défavorable, c'est le mensonge, l'approximation, la duperie, l'amitié-amoureuse, les promesses d'amitié éternelle lorsqu'elles sont sans garanties, les déséquilibres, les relations de drogués à trafiquants (la drogue étant l'amour), l'angoisse, l'instabilité affective, le doute, la confusion des valeurs, la haine de soi, etc.

Ce qui poussera dans ce terreau là comme sentiment ne sera ni durable, ni même sain. Belles fleurs artificielles ou empoisonnées issues d'un environnement pollué.

Pour atteindre la cible-amour, il faut viser plus loin que cette cible : viser la connaissance, la vérité, la sérénité, la paix... (liste non-exhaustive).

Car l'amour ne prend place et sens que dans une existence nettoyée, ou qui se nettoie.

Ceux qui cherchent l'amour seul, sont comme ces aveugles qui cherchaient partout une oreille d'éléphant, sans savoir qu'ils n'en trouveraient que sur le côté de la tête d'un éléphant.

L'amour réel, l'amour solide et sincère, on ne le trouvera qu'au côté de quelque chose de plus important encore, de plus réel encore, de plus solide et sincère encore.

25 novembre 2006

Légitime défense et vengeance

Dans la bouillie mentale qui est aujourd'hui de rigueur (ou plutôt d'approximation), une confusion pas du tout anodine, lourde d'implication, s'est installée entre la "légitime défense" d'un côté, et la "vengeance" de l'autre.

Rappelons leurs définitions de base, celles qui seront peut-être oubliée demain, et qui sont en cours d'effacement aujourd'hui.

La légitime défense, c'est lorsqu'on se défend contre un agresseur qui nous attaque injustement. Par exemple, un violeur en maraude, un racketteur, un cambrioleur. Au départ - enfin, c'était ainsi qu'on a vu les choses pendant un bon nombre de siècles -, la légitime défense était légitime... comme son nom l'indique.

La vengeance par contre, c'est lorsqu'après une agression, un crime... on décide de s'en prendre à l'agresseur et de se faire justice soi-même. La vengeance a presque toujours était considérée comme illégitime, dans la mesure où elle substitue sa propre justice personnelle, anarchique et incontrôlée à la justice du pays.

Que se passe-t-il quand on mélange la légitime défense et la vengeance, comme c'est le cas aujourd'hui ?... On obtient une chose hybride et informe, vaguement répugnante, que l'on baptise au mépris de tout dictionnaire "la légitime défense de se faire justice soi-même".
Beurk.

Cette... chose... est bien évident dénoncée et pointée du doigt, puisqu'elle englobe la vengeance.

Et c'est ainsi qu'on en arrive à trouver criminel de se défendre, de protéger sa vie, sa femme ou ses biens contre les prédateurs sans scrupules qui veulent se les accaparer.

"Comment ?! Vous avez égratigné le visage de votre agresseur alors qu'il tentait de vous étrangler ?! Vous lui avait mis un coquard ? Vous avez même sauvé votre peau au dépend de la sienne ? Vous ne pouviez pas faire attention, non ?! C'est de la légitime-défense-de-se-faire-justice-soi-même, ça ! Allez, en prison, l'honnête homme ! Et la prochaine fois qu'un voyou veut vous tuer, vous saurez quoi faire : rien !"

L'élève et l'esclave, le prof et Néron

Dans nos esprits embrûmés par les spécialistes du brouillard (ceux qui savent brouiller les cartes pour tirer leur épingle du jeu, embobiner pour mieux se défiler, se faufiler), on a touillé une mélasse.

Du tyran à abattre, figure haïssable du despotisme sanguinaire et sauvage, on a pris les principales caractéristiques pour les appliquer au pauvre prof qui n'en peut mais, et qui essaie tant bien que mal, malgré tout, d'enseigner encore quelque chose à ses élèves rebelles, nouveaux Spartacus.

Tout maître est un tyran... Tout enseignant, un esclavagiste... Tout prof assoit son autorité par le glaive : voilà ce qu'on nous a doucement, lentement, progressivement appris à croire. De l'autorité légitime, celle qui se fonde sur le savoir, celle qui ne tend qu'à éclairer, éveiller, enseigner et transmettre, il ne reste plus que des ruines.

Et de l'élève, que reste-t-il ?

Rien non plus.

On l'a changé en esclave, en martyr, en victime - Cosette d'un Tenardier sadique qui veut à toute force le garder assis sur une chaise pendant une heure d'affilée. Cruauté gratuite, injustifiable.

Et lorsqu'on ne respecte plus celui qui sait, lorsqu'on ne veut même plus l'écouter, ni le suivre... que devient le savoir ?

Rien. Ou plutôt : il redevient l'ignorance.
Retour aux origines, donc. Quand la force était le droit, et qu'une tête bien vide valait mieux qu'une tête bien pleine (quant à "bien faite", on a oublié depuis longtemps ce que ça veut dire.)

23 novembre 2006

Le silence

Sortir de la cohue, se recentrer sur soi. Et ses pensées.
Le brouhaha externe entraine loin... trop loin.
C'est ici, dans l'intimité de soi, que se retrouve la sécurité et la paix. La bataille est terminée, au moins pour un temps. Pause.

Silence.

Que s'est-il passé ?... Encore un jour qui fuit comme une baignoire. Le temps s'écoule en un goutte à goutte rapide, irrépressible. Nous finirons tous ruinés, nous finirons tous au fond d'une tombe. Sans autre compagnon que...

que soi, tel qu'on a vécu.

Et cette chair active, ou fatiguée, ou les deux, reposera dans sa décomposition inexorable. Les vers mangeront d'abord les yeux.

Je voudrais tellement... Je veux tellement... Volontés et désirs s'empoussièreront sur des étagères oubliées, comme de très vieilles photocopies d'un cours oublié, inutiles.

Que restera-t-il de ces essentiels inessentiels, fugaces, lorsque l'ange viendra ?...

Que restera-t-il de ce qu'on avait pris pour le plus important, quand la loupe déformante nous sera ôtée de l'oeil ?...
Et que le silence reprendra ses droits ?

Il n'a jamais cessé, le silence, comme le bruissement sourd de l'océan derrière les rires et les cris des vacanciers insouciants. La nuit le libère, la nuit déblaie ce qui encombrait son passage. La vérité aura son heure, car elle l'a toujours eu, en secret, sous le bruit.

Et que regretterons-nous, à cette heure ?...

19 novembre 2006

Obscurantisme

Nous vivons une époque obscurantiste.

Obscurantiste : le savoir n'est plus divulgué ; on décourage ceux qui l'ont (les professeurs par exemple) de le donner à ceux qui ne l'ont pas.

Obscurantiste : l'autorité légitime que devrait conférer la connaissance approfondie d'un domaine est niée ; tout pouvoir fondé sur le savoir est vécu comme un abus, une tyrannie inadmissible.

Obscurantiste : les médias n'accordent strictement aucune valeur à la connaissance. Etre jeune, riche, mince et beau/belle, voilà l'important. Le reste on s'en fout.

Obscurantiste : les véritables intellectuels sont ignorés et les pseudo-intellectuels, ânes tapageurs et lèche-bottes à la solde d'un parti ou d'une idéologie dominante, sont célébrés.

Le problème vient peut-être - entre autre - que la "démocratie" ou "les droits de l'homme" ont changé de définition.

"Tous les hommes naissent libres et égaux en droit" signifiait au départ que tous les hommes naissaient égaux en droit, mais pas égaux en capacités ; maintenant cela signifie qu'ils naissent et demeurent égaux en capacité intellectuelle, culture et savoir.

Ce qui fait que l'opinion irréfléchie de quelqu'un qui n'a jamais étudié la question, est considérée comme ayant une valeur égale à celle de quelqu'un qui s'est renseigné sur la question, ou même à celle d'un spécialiste de la question.

Certes, lorsqu'il s'agit de foot, on sait encore que tous les homme ne sont pas égaux de fait, même s'ils sont égaux de droit : il y en a qui jouent bien, d'autres très bien, d'autres qui jouent très mal, d'autres qui ne jouent pas du tout et qui s'en foutent.

Mais dès qu'il s'agit de réflexion, de discernement, de logique ou de raisonnement... Zidane ne vaut pas plus que ma grand-mère ; les surdoués ne valent pas plus que les sousdoués ; ni la lecture, ni la recherche, ni la réflexion ne font la moindre différence.
Dans notre monde post-moderne, personne n'est plus renseigné, plus réfléchi, plus intelligent que personne ; celui qui oserait prétendre qu'il y a une différence de profondeur entre les idées de Montaigne ou de Proust d'un côté, et celles de n'importe quel élève particulièrement nul de 4ème de l'autre, serait un méchant élitiste rétrograde, hostile à la démocratie.

Car la "démocratie", ce n'est plus le gouvernement du peuple par le peuple, c'est l'égalité des zéros.

Le raisonnement (plus ou moins explicite) est le suivant : si plus personne ne sait rien, le savoir aura perdu tout intérêt. Donc il suffit de se donner pour objectif que plus personne ne sache rien, en commençant par les élèves, et bientôt, ce sera tout à fait normal de ne pas savoir lire...

Ce qui suppose que la connaissance - même celle complètement basique qui consiste à lire et écrire correctement - n'est qu'un vestige archaïque, prétentieux et inutile de l'Ancien Régime... un peu comme la particule "de".

Et la vérité qui se cache derrière tout ça, c'est que des crétins complètement abrutis (intelligents à la base, mais tellement incultes, voire illettrés, qu'ils sont devenus bêtes avec le temps) sont infiniment plus manipulables que des êtres conscients et intelligents.

Quand on tient la télécommande, quand on veut s'en servir, on s'efforce d'ôter les fonctions "langage articulé et logique", "réflexion" et "causalité" des cerveaux des êtres humains : un robot n'en serait plus un, s'il parvenait à penser.

18 novembre 2006

Lavée

Perdue dans l'entrelacs des lignes
entre le sel et le poivre
le pain et le boursin

Perdue dans l'entrelacs des routes
entre l'A30 et la D24
le chemin qui égare
et celui qui égare

Perdue dans la ville folle
Perdue dans le mal être qui s'ignore, la folie qui s'obstine

Perdue...

Je disais : l'océan lavera les croutes de la ville
Et moi je serai
ailleurs
Comme si j'y pouvais quelque chose...

Je disais : je vais grandir de quelques centimètres
Comme si c'était en mon pouvoir...

Je disais patati, je disais patata
ivre de mots, de rêves, de folie pas vraiment douce
Humiliée jusqu'au bout des ongles
projettée dans une autre dimension

(tu n'es pas drôle tu es ridicule
c'est différent
disait-elle en me pressant comme un citron)


Je disais J'ai plongé par delà l'obscurité, là où se joignent le feu et les larmes,
Je disais J'ai nettoyé ma vieille coquille toute pourrave,
Je disais J'ai gravi la plus haute des montagnes,
Je disais patin et coufin,
Avec l'optimisme opiniâtre de celle qui ne sait rien et prétend tout savoir.

H eureusement pour moi j'ai renoncé à -
et à -
et j'ai choisi de -
et j'ai accepté de -
et la porte de sortie s'est ouverte sur la beauté du monde
la douceur du monde
la vérité du monde

une source qui murmure une parole pure

L'océan n'a pas lavé les croutes de la ville, finalement -
il a lavé les miennes.

Merci...

Les polémiques stériles

Il est parfois bien difficile de résister à la tentation d'entrer dans une polémique stérile...
C'est une drogue comme une autre, la-polémique-stérile. Un excitant à laquelle on devient très vite dépendant.
D'une première piqure d'amour-propre, on se retrouve très vite entraîné à... on veut répondre, on veut piquer à son tour, on veut prouver par A+B que l'autre a tort... et de fil en aiguille, on se retrouve à...

perdre son temps.

Car l'autre en face est persuadé comme nous de connaitre la vérité, et pour rien au monde il ne voudrait être convaincu par nos arguments. Il ne le sera pas, car personne ne peut forcer quelqu'un à croire (ou plutôt, si, mais par des méthodes toutes différentes).

Ce qui fait qu'une discussion n'est pas une discussion, mais de la-polémique-stérile, c'est bien souvent qu'il n'y a pas le moindre début d'accord entre les deux interlocuteurs.

Chacun parle de son monde, et des millions d'années-lumières séparent ces mondes.

On aborde le sujet numéro 28876656, alors que même sur des sujets infiniment plus basiques, plus essentiels (les sujets 2, 6 ou 3), on est déjà en désaccord. On se déchire et s'insulte parce qu'on n'est pas d'accord sur l'emplacement de la girouette, alors qu'il ne faudrait parler que de l'emplacement de la maison, qui est encore à construire.

Eloge de l'esprit chercheur

Que ce soit à propos de la théorie de l'évolution, du sionisme ou de n'importe quel autre sujet, il y aura toujours deux groupes bien distincts :

Ceux qui cherchent, qui jugent sur pièce, qui se renseignent pour se faire une idée personnelle, qui ne veulent pas suivre l'opinion majoritaire comme des moutons de Panurge, qui veulent vérifier par eux-mêmes ce qu'il en est...

Ett ceux qui par paresse, passivité, bêtise, traditionnalisme, rigidité psycho-fonctionnelle, peur de perdre leurs chères idées reçues... ne cherchent pas. Bêêêêêêê....

C'est à chacun de connaître son camp.

24 septembre 2006

C'est quoi, le bonheur ?

Chacun s'en fait sa définition personnelle, salade composée d'argent, d'amour, de plaisirs variés...

La part du rêve est à séparer de la part de bonheur possible sur cette terre. Car il n'est pas difficile d'imaginer le "vrai" bonheur, et il n'est pas de ce monde : pas de vieillesse, pas de mort, pas de souffrance, que de l'amour et de l'amitié, que de la jeunesse et de la beauté, le moindre voeu qui se réalise instantanément...

Mais en ce monde, le bonheur ne resssemble bien sûr pas à ça. Le bonheur terrestre ne pourra jamais être pure jouissance, et quand on l'imagine ainsi on est déçu - tôt ou tard. Il faut le définir avec de tout autres critères pour qu'il ait une chance de se réaliser : se fixer un objectif réaliste est la première condition à remplir pour l'atteindre.

Les philosophes stoïciens plaçaient le bonheur dans une sereine indifférence à tous les malheurs. Sans aller jusque là, on peut dire que le bonheur est un certain état d'esprit que les aléas de la vie parviennent à égratigner, mais pas à entamer. Car le bonheur fragile qui est seulement le fruit de circonstances extérieures, n'est pas le bonheur - juste un bien-être précaire que la moindre contrariété démolit.

Autrement dit, il ne suffit pas d'être dans la situation enviable de quelqu'un pour qui "tout va bien", pour connaître le bonheur.

Le bonheur serait donc plutôt de l'ordre du sentiment intérieur, de la force intérieure. On pourrait le rapprocher de la confiance en soi : avoir confiance en soi, c'est se savoir capable. Le bonheur est quelque chose de l'ordre de la confiance et de la capacité.

Mais le bonheur est aussi de l'ordre de la perspective ascendante. Car un homme, même très riche, ne sera pas heureux s'il est chaque jour un peu plus pauvre - alors qu'un homme, même très pauvre, sera très heureux d'être chaque jour un peu plus riche. Grimper vers un but désirable, est l'une des facettes du bonheur sur cette terre.

Le bonheur est aussi de l'ordre de l'ordre. Car si tout est en ordre, si les choses et soi-même sont à leur place, on en tire une sensation de confort très apaisante. On parle parfois de "joyeux désordre" mais dans la réalité, le désordre n'est pas joyeux, mais sinistre. Une tête bien faite (bien rangée), un appartement clair, propre et ordonné : ce sont là d'autres facettes du bonheur.

Enfin, le bonheur est de l'ordre de la relation. Car lorsqu'on tisse des relations authentiques, sincères et chaleureuses avec les autres - du moins avec certains autres - on s'inscrit dans un réseau relationnel qui est d'une certaine manière, l'élément naturel le plus approprié à l'être humain.

22 septembre 2006

Est-ce que les illusions aident à vivre ?

On s'imagine souvent que les illusions sont des choses douces et dorées qui aident à supporter la vie (c'est par exemple ce qui émane d'un film comme "La vie est belle", où les mensonges du père aide le petit à traverser la guerre comme si c'était un jeu...) Selon cette idée très répandue, les illusions aideraient à vivre.

Mais c'est quoi, une illusion, au fait ?... Une illusion, c'est un mensonge auquel on croit.

Est-ce que - dans la vie quotidienne - les mensonges auxquels on croit rendent la vie plus facile, plus agréable ?... Par exemple, lorsqu'on se fait des illusions sur les horaires de la poste, est-ce que ça nous rend la vie plus confortable ?... ou lorsqu'on se fait des illusions sur le prix de l'essence ?... ou des illusions sur l'amour ? est-ce que toutes ces illusions facilitent la vie, la rendent plus agréable ? C'est exactement l'inverse.

Si on se fait des illusions sur les horaires de la poste, on s'y casse le nez et c'est rageant. Si on se fait des illusions sur le prix de l'essence, on est traumatisé par le coût du plein. Si on se fait des illusions sur l'amour, on est horriblement déçu. ça ne rend pas la vie plus simple, ça la rend plus épineuse, plus douloureuse. Une illusion n'a jamais aidé personne à obtenir ce qu'il désire - pas plus qu'une carte erronée ne permet à quelqu'un d'arriver où il veut.

Ssi je me fais des illusions sur mon frigo en le confondant avec un micro-onde, je n'arriverai jamais à m'en servir correctement. D'où, déception, stress, angoisse, déprime...

C'est la vérité qui permet d'agir dans le réel d'une manière appropriée. C'est elle aussi qui permet d'y voir clair, ce qui est une des grandes joies de l'existence. Lorsqu'on est déprimé on a les idées confuses, et l'inverse est aussi vrai : lorsqu'on a les idées confuses on déprime. Les illusions sont des images virtuelles qui viennent brouiller le paysage. L'entrelacement de lignes qui en résulte rend tout confus et incompréhensible... Et ne rien comprendre n'a jamais rendu heureux personne.

Alors, est-ce que les illusions aident à vivre ?...

12 septembre 2006

Le chien de Pavlov et nous

A la fin du dix-neuvième siècle, le grand scientifique russe Pavlov a démontré que si un chien (ou n’importe quel animal) est nourri au son d’une certaine sonnerie pendant un certain nombre de jours, il suffira par la suite qu’il entende la sonnerie pour se mettre à saliver comme s’il était déjà devant sa pâtée.
Inversement, si un chien reçoit un électrochoc au son d’une certaine sonnerie, il suffira par la suite qu’il entende la sonnerie pour sursauter, comme s’il se faisait électrocuter…

Les êtres humains d’aujourd’hui sont soumis à des conditionnements plus subtils, mais qui au fond, reposent sur le même principe d’association.

On met une belle fille à moitié nue sur une voiture, on multiplie l’affiche aux quatre coins de la France, et au final, une connexion se fait dans le cerveau de celui qui regarde : voiture de telle marque – belle fille. Sa faim de belles filles est ainsi redirigée vers les voitures, et il aura l’impression (trompeuse) de satisfaire son appétit tout charnel pour les unes en achetant une machine en métal.

Les conditionnements peuvent aussi fonctionner dans l’autre sens : on prend par exemple la photo d’un barbu, on met en dessous en lettres capitales le mot « terrorisme », et on multiplie ce genre d’association un peu partout. Au bout du compte, une excroissance naturelle du système pileux suffira à déclencher la même réaction de peur ou de colère que le terrorisme lui-même.

Du coup la lutte contre le terrorisme se transforme insensiblement en lutte contre les poils de barbe et lutte contre les barbus.

A tel point qu’un terroriste au menton lisse apparaît presque comme un oxymore, une impossibilité logique. Ce terroriste au visage imberbe a de fortes chances de passer inaperçu : n’entrant dans aucune catégorie mentale, il est invisible ou presque…. Ce qui est très pratique, quand on est terroriste.

Ou encore, on va accoupler « démocratie » et « respect », « droits de l’homme », « liberté », etc., créant ainsi un réflexe pavlovien positif en faveur du mot « démocratie » (je dis le mot, car dans tous ces conditionnements, ce qui est manipulé ce sont les mots, les images, les signes et les symboles – la réalité est malheureusement hors de cause.)

Et le fait même de mettre en lumière tous ces conditionnements peut agacer ceux qui sont ainsi dérangés dans leurs routines mentales, et qui se disent peut-être : mais c’est vrai que les terroristes sont des barbus ! mais c’est vrai que la démocratie, c’est le respect des droits de l’homme !... Alors à quoi ça rime de dire qu’on est conditionné ?

Chacun, selon les lunettes qu’il porte sur le nez, remarque certains détails du paysage et en délaissent d’autres. Ceux qui ne correspondent pas à sa vision préétablie (plus ou moins pavlovienne) des choses, sont considérés comme insignifiants, et mis au rancart.

On pourrait aussi bien sélectionner d’autres éléments du paysage, tracer d’autres routes pour le cheminement intellectuel.

Par exemple – et juste pour le plaisir d’écorner un peu un mot-idole – ne pourrait-on pas souligner le lien étroit qui unit démocratie et terrorisme ?...
Après tout, ce sont les démocrates qui ont inventé le terrorisme. Ce sont les démocrates qui ont fondé le terrorisme, en même temps que la démocratie, et pour assurer le triomphe de la démocratie.
C’est au cri de « Liberté, égalité, fraternité ! » que les premiers attentats terroristes contre une population civile ont été mené. Les terroristes d’alors croyaient fermement à la démocratie – et c’est en son nom qu’ils massacraient au hasard femmes, enfants et vieillards, durant la Terreur… prototype originel qui inspira tous les terrorismes qui lui ont fait suite.

Idées personnelles et idées reçues

L'originalité n'est, selon une définition assez pertinente, que l'art de dissimuler ses sources...

En effet la plupart des idées sont reçues. Même nos idées les plus originales et les plus personnelles ne sont bien souvent que les enfants bâtards, secrets, d'idées reçues d'ailleurs.

Un peu comme la dernière pièce d’un puzzle, dont la forme et la couleur sont déductibles du contexte, une idée « personnelle » n’est souvent que l’ultime pièce manquante que l’on ajoute à un puzzle dont toutes les pièces nous viennent d’autre part...

Exemple :

- L’humanité a toujours souffert de guerres et de conflits… il faut mettre un terme à toute cette barbarie. (première pièce du puzzle)
- Laissés à eux-mêmes, les états sont incapables de faire régner la paix sur leurs territoires (deuxième pièce du puzzle).
- Tous les conflits tirent leur origine des nationalismes, des chauvinismes, des identités nationales (troisième pièce du puzzle).

Qui, en possession de ces trois pièces de puzzle, ne va pas trouver en lui-même la quatrième, celle qui donnera à l’image toute sa cohérence, la solution tant attendue ?...

C’est ainsi que les tenants du Gouvernement Mondial travaillent, non à imposer l’idée qu’un état et une police uniques à l’échelle du monde serait la solution à tous les problèmes de l’humanité, mais à faire germer cette idée dans les têtes.

Au lieu de donner la tomate directement, ils distribuent des graines de tomate, de l’engrais, un arrosoir et de l’eau.

En effet, on est nettement plus réceptif et crédule à l’égard des idées que l’on prend pour les siennes propres (celles qu’on a trouvées soi-même dans son propre jardin) qu’à l’égard de celles dont sait qu’elles nous viennent de l’extérieur.

11 septembre 2006

Le milieu de la paix

Un poème, pour changer.

Le milieu de la paix, n'est pas très peuplé.

Et la foule grondante s'arrête avant son bord... écume, tracas de cailloux jeté à la lisière comme le crachat de mépris d'un océan stupide et rageur.

Vaut-il mieux être in les problèmes, ou complètement out ?...

Vaut-il mieux un malheur glamour, ou un bonheur rétro, archaïque ?...

Vaut-il mieux une image étincelante qui dissimule un douloureux néant, ou un palais splendide à l'intérieur, à la façade défigurée par les tags ?...

J'ai choisi le milieu de la paix, et sa façade vandalisée. Que d'autres se précipitent à la poursuite d'un leurre qui brille, et regrettent en pleurant comme de petits enfants de ne pas pouvoir jouer avec le feu ou voler comme superman : le dénouement est l'hôpital.

Dans les silences laissés par l'intervalle des ruses, s'inscrit la ruse noble, celle qui complote une liberté plus grande. Au final, ce n'est pas le Mal

qui aura le dernier mot.

09 septembre 2006

La monarchie absolue de Blabla

Lorsqu'on compare ce qui s'écrit dans les journaux et les livres aujourd'hui, à ce qui s'écrivait il y a une trentaine ou une cinquantaine d'années (disons avant les années 70), on éprouve souvent une espèce d'étonnement.

Il y a dans les écrits de ce passé pas si lointain, un quelque chose de différent. De plus frais, de plus vivant... ils dégagent une espèce de parfum vert... - en fait, en eux-mêmes ils n'ont rien de si extraordinaires, mais nous sommes habitués à des écrits tellement fades, tellement insignifiants, que par comparaison ceux de ce passé proche paraissent presque géniaux, car ils disent quelque chose.

L'ère post-moderne (maintenant) est celle du Blabla.
Nos démocraties ont un roi, un monarque absolu : Blabla.
Nos journalistes ont un idéal stylistique et idéologique : Blabla.
Nos intellectuels ont un maître à ne pas penser : Blabla.

Et le silence lui-même recule, désappointé, devant les attaques du grand conquérant : Blabla.

Voici un petit texte (prophétique ?) datant d'une centaine d'années, plus ou moins :

"Comment affaiblir la pensée publique par la critique, comment lui faire perdre sa puissance de raisonnement, celle qui engendre l'opposition, et comment distraire l'esprit public par une phraséologie dépourvue de sens ?...
De tout temps, les nations, comme les individus, on prit les mots pour des actes. Satisfaits de ce qu'ils entendent, ils remarquent rarement si la promesse a été vraiment tenue...
Pour s'assurer l'opinion publique, il faut tout d'abord l'embrouiller complètement en lui faisant entendre de tous côtés et de toutes manières des opinions contradictoires, jusqu'à ce que les gens soient perdus dans ce labyrinthe."

Phraséologie dépourvue de sens : voici une excellente définition du blabla. Pour "affaiblir la pensée" et "faire perdre la puissance de raisonnement", le blabla est la meilleur des méthodes.

En effet, à la différence du mensonge pur et simple, qui reste détectable et dénonçable, le blabla présente une surface lisse. Il est très difficile de lui répondre (puisqu'il ne dit rien) et impossible de le réfuter (puisqu'il ne dit toujours rien). Et pourtant, ce vide est efficace - aussi efficace que peut l'être la chute régulière d'une goutte d'eau sur le même point du même rocher : l'eau finit par vaincre, et creuser, le rocher.

De même, le blabla agit d'une manière discrète, pernicieuse, sournoise... et puissante. De sa "phraséologie vide de sens" s'élève progressivement un brouillard où les idées claires et distinctes s'estompent. Peu à peu, par la seule puissances de ces mots sonores qui ne disent rien, l'esprit s'obscurcit, le raisonnement perd sa puissance.

Nous vivons sous la monarchie absolue de Blabla.
ça n'a pas toujours été le cas, et ça ne devrait pas forcément être le cas...

Dans quel monde vivons-nous ?

Le poisson qui n'est jamais sorti de l'eau, ne sait pas qu'il est dans l'eau. De même, lorsqu'on baigne dans une civilisation, on ne la connait pas : sans repères extérieurs, sans points de comparaison, on ne sait pas vraiment dans quel monde on vit, pour y être complètement immergé.

Connaître de l'intérieur seulement, c'est vivre et ressentir mais ce n'est pas connaître - ainsi, une huitre qui n'est jamais sortie de sa coquille n'a aucun moyen de savoir ce qu'est réellement et objectivement sa coquille, n'en ayant jamais connu que la face interne, et n'ayant jamais pu la comparer à aucune autre.

Pour savoir dans quel monde nous vivons, il est nécessaire de le comparer à d'autres, éloignés dans l'espace ou dans le temps.

Les Voyages et l'Histoire servent à cela : comprendre dans quel monde nous vivons actuellement. Car si l'Histoire ne servait qu'à explorer le passé, son intérêt serait bien limité... C'est lorsqu'elle éclaire le présent - par le jeu des comparaisons, le jeu des ressemblances et des différences - qu'elle est plus utile. Pareil pour les voyages : grâce à la confrontation avec des civilisations autres, on peut voir la sienne propre.

Pour se rendre compte que les français sont arrogants, il faut rencontrer d'autres peuples n'ayant pas ce - détestable - trait de caractère. Pour se rendre compte que les français aiment parler, il faut rencontrer d'autres peuples plus mutiques (les danois par exemple).

08 septembre 2006

Un bonheur méconnu

Quand on regarde la télévision, le cinéma, les affiches de pub ou les magazines, on a l'impression que le bonheur c'est...

- le sexe
- la beauté
- l'argent
- une médaille d'or
- les paillettes et la gloire
- l'amour (ah, quand même...)
- la vengeance et un gros flingue
- d'en mettre plein la vue aux voisins, ou aux voisins des voisins.

Et peut-être que là-dedans, il y a bien quelque chose qui est le bonheur, ou du moins, une bonne partie du bonheur (le numéro 5).
Mais il y a un certain genre de bonheur dont il n'est absolument jamais question au cinéma ou à la télévision, un bonheur méconnu et pourtant accessible, qui ne dépend que dans une faible mesure des autres, un bonheur autonome en quelque sorte.

Ce bonheur-là n'est pas apprécié à sa juste valeur... en fait, il n'est même pas côté en bourse, et passe totalement incognito dans le monde. Bonheur secret, humble et profond, disponible à qui le cherche... au bon endroit.

La souffrance qui lui fait face en miroir, la douleur qui est son exact pendant, est bien connue des déprimés :

- Je ne sais plus où j'en suis...
- Tout est confus dans ma tête...
- Je ne comprends pas...
- ça n'a pas de sens...
- C'est le chaos...
- Ce n'est pas clair...

Le contraire de la confusion, c'est la clarté ; le contraire de l'absurde, c'est le sens. Clarté et sens : le voilà, le bonheur méconnu dont personne ne parle, et qui est pourtant si agréable, non à la manière des heures de gloire ou des transes mystiques, mais plutôt comme le pain quotidien tout frais et tout chaud.

Une nourriture simple.

Quel film racontera les aventures palpitantes de Josette, qui après la lecture d'un certain livre a enfin compris... beaucoup de choses sur sa vie ?... ou d'André, qui après de pénibles et longues recherches en librairies, a enfin découvert la vérité qu'il cherchait en vain sur la politique internationale ? ou même de Josiane, qui a repris goût à la vie en lisant le témoignage d'une bordélique comme elle, qui a réussi à sortir du chaos...

Ceux qui aiment lire ont souvent l'intuition qu'un certain livre - un certain livre inconnu - leur apporterait la clef de bien des mystères. Et ce n'est peut-être pas une illusion.

Même si les bibliothéques sont aussi des labyrinthes, où d'idées en idées le Perceval en quête du Graal se perd dans un dédale d'idées pas vraiment vraies... il y a bien quelques trésors - il y a bien un trésor - qui permet d'y voir clair.

Comprendre, est un plaisir.
Découvrir, est un plaisir.
Raisonner, est un plaisir.

Quand deux notions qui étaient restées jusque là isolées se rejoignent enfin, et que la lumière se fait dans le crâne : moment précieux, moment où l'espace mental s'élargit, où "l'horizon d'attente" recule sa limite...

Plus de lumière, c'est plus de liberté.

L'obscurité est dangereuse. Personne n'aime marcher seul dans le noir, au risque de se casser la jambe ou de se faire dévaliser (ou violer) au coin d'une rue encore plus sombre que les autres.
La compréhension agit à la manière des lampadaires : les idées claires permettent d'explorer en toute sécurité les zones les plus reculées.

La logique - la seule "science" qui soit aussi une faculté mentale - n'a pas la côte de nos jours... on pourrait chercher son nom dans beaucoup de journaux, sans la trouver. Les films, les téléfilms, la pub... fait appel aux instincts, aux passions, à l'imaginaire, aux émotions, aux pulsions - pas à la logique.

C'est que cette faculté occultée, méprisée peut-être, est la clef grise, d'apparence terne et banale, qui ouvre la porte de toutes les prisons de l'esprit. Une personne logique, une personne qui cultive sa logique, ne gobe plus les innombrables appâts que les profiteurs en tous genres lui tendent : elle est libre, ou elle devient libre, ou elle est sur le chemin de la liberté.

Lorsque les neurones se réveillent et que la tête se (re)met à fonctionner correctement, l'hypnose commercialo-abrutissante perd tout pouvoir.

Et ça, c'est précisément ce que les marchands de "temps de cerveau disponible" ne veulent pas.

03 septembre 2006

Le livre tabou

Je reprends le sujet abordé dans "Conseils bibliographiques à un apprenti-philosophe"

Le livre dont je parle ici est à la fois très connu, et presque inconnu.
Très connu, car la plupart des gens connaissent son titre ; presque inconnu, car rares sont les personnes à l'avoir lu...

Dans l'esprit de la plupart des gens, ce livre occupe une place à part : situé à l'écart de tous les autres, il est moins considéré comme un livre que comme une ignominie, un quelque chose de monstrueux et de répugnant dont il est bon de rester éloigné, très éloigné.

Qu'on l'accepte ou qu'on s'en défende, la mentalité de chacun est déterminée, conditionnée pour une bonne part par les médias, les livres, les films, la télévision.
Or, le livre tabou en question a été l'objet d'un travail médiatique de longue haleine. Ce qui fait qu'aujourd'hui, le fait même d'en parler ouvertement ou d'en entendre parler peut déclencher stress et méfiance, et le fait de le lire... serait carrément angoissant.

Lire ce livre comme on lit un livre banal, normal, est une mission impossible.

Lire ce livre signifie quelque chose de très négatif sur la personne qui le lit : qu'elle est perverse, mauvaise... ou qu'elle risque fort de le devenir.
Dans ces conditions, comment pourrait-on le lire sereinement ?... Il suffit de le tenir entre ses mains pour se sentir gagner par de graves doutes sur son intégrité morale, et de le feuilleter pour se sentir basculer dans le recoin le le plus obscur du côté obscur de la Force !

Et si je ne cite pas son titre, c'est qu'il suffirait qu'il soit énoncé pour que tout un tas de connotations répugnantes se lève dans l'esprit du lecteur...; et que la personne qui l'évoque (autrement dit moi) se retrouve stigmatisée, marquée du sceau de l'infamie.

La liberté de pensée s'arrête là où l'esprit, impressionné, paralysé par une crainte révérencieuse, superstitieuse, s'arrête.

Les catholiques d'une autre époque - pas si lointaine -, baissaient les yeux devant le Saint Sacrement de l'Eucharistie. Regarder sans ciller cette coupe de métal dorée contenant quelques décilitres de vin rouge et ce bout de pain enzyme aurait été un sacrilège... et donc un stress.

Inversement et symétriquement, de nos jours on détourne les yeux du livre tabou dont je parle.

On ne se rend pas toujours compte (en tout cas moi je ne m'en rendais pas compte) que sa liberté de pensée est limitée par des fils de fer barbelés intérieurs, intériorisé. On ne réalise pas forcément que son esprit recule devant certains sujets, arrêté par une barrière invisible.

Cette barrière invisible a été construite. Ses briques sont des idées.

Car il y a des idées qui dissuadent de penser, des idées qui sont pareilles à de grands panneaux rouges de sens interdit apposés devant certain sujets, certains thèmes... et certains livres.

Si quelqu'un arrivait à faire le lien entre le titre du livre tabou en question et l'évocation que je fais ici des réactions émotionnelles qu'il suscite, cela signifierait probablement qu'il a réussi à les désamorcer, et à arracher de sa tête bon nombre de panneaux de sens interdit, bon nombre de barrières hérissées de fil de fer barbelé...

Mais il est parfois extrêmement difficile de faire un lien entre une réalité et son nom, un mot et sa définition - les médias travaillent tant à créer des réflexes pavloviens, à susciter des réactions émotionnelles purement mécaniques à certains termes (qui y perdent les trois-quarts de leur sens), qu'on n'arrive plus à connecter l'apparence et la substance, le titre et le contenu.

Ce qui fait que ceux qui liront ces lignes, ne vont probablement pas "reconnaitre" le livre dont je parle, et que si par ailleurs ils entendent son titre, ils éprouveront les sentiments-réflexes décrits ci-dessus, sans identifier en tant que telle leur propre réaction de fuite, de colère ou de crainte devant le livre tabou.

Et maintenant, quelques mots sur le contenu de ce livre effrayant.

Ce livre est extrêmement dense. A une époque (la nôtre) où on a perdu l'habitude de la densité, il est difficile à lire - tout en étant parfaitement clair...

Les journeaux, les livres, la télé... nous ont habitué à une bouillie très diluée : beaucoup de mots, peu d'idées. Voire, aucune idée. Notre époque est celle du blabla.

Le livre tabou est l'antithèse exacte de ce à quoi nous sommes habitués : un aliment hautement énergétique, riche en calories. Peu de mots, beaucoup d'idées.
Ces idées sont dérangeantes, surprenantes... et apportent un éclairage froidement cynique et terriblement efficace, sur notre passé et notre présent.

22 août 2006

Libre dans sa tête

De toutes les libertés qui existent, la plus précieuse de toute est certainement la liberté de pensée. Avec elle, on est libre même en prison ; sans elle, on est prisonnier partout.

Etre libre de ses pensées, être libre dans sa tête, ce n'est pas "jouer du piano debout", ni aucun comportement extérieur, observable. Etre libre dans sa tête, c'est vraiment être libre dans la tête : autrement dit ça ne se voit pas du dehors.
Mais du dedans, quelle différence...

Pour le prisonnier évadé de pensées obsessionnelles et confuses, quelle paix !

Lorsqu'on n'est pas libre dans sa tête, le moindre choix est un casse-tête chinois, un cauchemar. Entre le kingfish et le big bacon, on peut balancer pendant des heures : l'indécision est le fond confus où se dessine les silhouettes approximatives de nos choix jamais satisfaisants.

Lorsqu'on n'est pas libre dans sa tête, les priorités sont toujours embrouillées, et les "oui mais" succèdent les uns aux autres en vaguelettes inépuisables. Le moindre acte se complique, la moindre décision s'alourdit de réticences informulées, d'objections embryonnaires, non-identifiées.

La liberté de pensée met de l'ordre dans tout ça, un ordre vertical : il y a le haut, et il y a le bas - il y a le vrai, et il y a le faux - il y a le bien, et il y a le mal.

Ces repères sont tout aussi importants pour savoir où l'on est, d'où l'on vient, et où l'on veut aller, que la différence entre droite et gauche, est et ouest, nord et sud.

Comment savoir ce que l'on croit et ce que l'on veut, tant qu'on ignore la différence entre le bien et le mal, ou tant que l'on n'en a qu'une perception confuse ou erronée ?... tant qu'on n'arrive pas à faire la différence entre la vérité et l'erreur, le juste milieu et le rigorisme borné ?... Aussi longtemps que les repères essentiels divaguent, accrochés au bec changeant de la girouette, à la feuille morte virvoltant dans le vent, on navigue, ou plutôt on erre, avec une boussole folle. Et les priorités varient d'une seconde à l'autre, caméléons insaisissables se fondant dans leur environnement, quel qu'il soit.

Un jour on croit ceci, le lendemain cela - un jour on accorde une importance démesurée à une broutille, et le lendemain à une autre. Dans le fatras mental qui nous encombre, bric-à-bac où s'accumule comme dans le dépôt d'un antiquaire les rebuts du passé, impossible de retrouver quoi que ce soit.

Telle la vérité dans le blabla sérieux d'un politicien, l'essentiel est invisible, caché sous la volumineuse écume des préoccupations contingentes.

Etre harcelé par une multitude de pensées contradictoires, ce n'est pas la liberté mentale, c'est la confusion, voire l'aliénation, mentale. Sans ordre, sans distinction, sans limites claires et distinctes, il n'y a pas de liberté de pensée.

La naissance de mon premier bébé

Je vous annonce la naissance de mon premier bébé.

L'accouchement a été long et douloureux, mais ça y est : il est né.

Vous pouvez l'admirer (et même l'acheter) à cette adresse :

http://www.lulu.com/content/401336

13 août 2006

La différence entre les rêves et les rêves

En réponse à un commentaire d'Eipho...

Le mot "rêve" est d'une richesse sémantique telle, qu'il peut désigner deux choses radicalement différentes, voire opposées.

Il y a les rêves qui constituent une fuite hors de la réalité, un refus de la réalité - c'est par exemple la rêverie amoureuse qui consiste à s'imaginer que celui qui nous plaît sera un jour à nos pieds, quand bien même il ne montre aucune disposition dans ce sens. Ce peut-être aussi la rêverie ambitieuse, qui consiste à s'imaginer qu'un jour... on sera riche et célèbre grâce à un talent de violloncelliste remarquable, alors même qu'on n'a jamais touché un violon.

Tous les jeux vidéos, les films de fiction, les romans... poussent à développer ce type de rêverie, à ce visualiser en héros d'histoires imaginaires, rêverie qui est très agréable, qui développe certainement une vie intérieure très riche, mais qui - si l'on se situe du point de vue de l'intérêt de la personne au long terme - est assez nuisible.
En effet, il y a toujours un moment où se retrouve confronté à cette réalité qu'on refuse, et le choc ou la chute est d'autant plus rude qu'on a cru à ses rêves : ça fait mal.

De plus, on peut être tenté, pour vivre dans la vraie vie toutes les rêveries qu'on a couvées en soi, de se lancer dans des aventures destructrices mais romanesques, et de chercher dans la vie réelle un piquant qui pique vraiment... et se déchirer à des ronces bien réelles dans ce processus.

Mais il y a aussi d'autres rêves tout différents, qui eux n'éloignent pas de la réalité, mais au contraire s'y projettent : ce sont des visions autant que des rêves. Ces rêves-là naissent d'une perception juste de la réalité environnante, et d'une vision qui ne s'arrête pas seulement à ce qui est, mais qui va au-delà, pour regarder ce qui peut être.

Le entrepreneurs qui regardent un paysage ne voient pas seulement les maisons construites, les fermes qui sont déjà là, mais aussi les maisons et les fermes qui pourraient exister.

Il ne s'agit de "rêves" que dans la mesure où ils ne collent pas encore à la réalité présente... mais au fond, ce sont plutôt des images mentales d'un futur possible. Sans ces images, personne n'aurait jamais inventé quoique ce soit : pour se lancer dans la fabrication d'une ampoule électrique, il faut avoir vu (avec les yeux de ses rêves) une telle ampoule.

Tout projet demande ce type de rêve, de projection - et l'on sait bien que les sportifs de haut niveau la pratiquent pour améliorer leurs performances : ils se visualisent en train de battre leurs records, et cette image d'un futur possible le tire vers ce futur, jusqu'à ce qu'il devienne une réalité.

On ne s'investit que dans ce qu'on croit possible, et on ne croit possible que ce qu'on peut voir les yeux fermés, sur son écran mental.

Les rêves de la première catégorie (rêves-fantasmes) rendent, quand on s'y adonne intensément, quasiment inapte à la vie réelle qui parait en comparaison terne et difficile. Ils proposent un univers parallèle où tout est facile, intéressant, excitant... et si on s'y plonge avec délice, on aura ensuite beaucoup de mal à faire le retour vers la réalité, qui elle est toujours un peu rugueuse et amère.
Les accros de jeux vidéos se retrouvent souvent prisonniers de l'univers virtuel où ils triomphent en héros, et en comparaison duquel la vie réelle ne leur propose qu'un rôle médiocre - d'autant plus médiocre et inintéressant, qu'ils ne s'y investissent pas...

Les rêves de la deuxième catégorie (rêves-projets) ont un effet exactement inverse : ils poussent à s'investir dans la réalité, à l'étudier, la comprendre, à y habiter. C'est par eux qu'on a prise sur le monde.

La différence entre les rêves-fantasmes et les rêves-projets est un peu celle qui existe entre des arbres célestes enracinés dans les nuages - autrement dit, des mirages - et les graines minuscules qui germent invisiblement dans le sol.
Les mirages ne deviendront jamais des réalités, mais avec le temps, les graines deviennent des arbres immenses.

"Le gland d'aujourd'hui est le chêne de demain" (D. Icke)

Choisir, c'est faire confiance ; faire confiance, c'est choisir. S'engloutir dans les fantasmes, c'est choisir l'illusion et lui faire confiance... et plus de temps on passe en sa compagnie, plus la réalité parait incompréhensible, étrange et répugnante. Au final, c'est le rêve qu'on finit par prendre pour la réalité, et la réalité qu'on prend pour un rêve.

Autre différence entre les rêves-fantasmes et les rêves-projets : les rêves-fantasmes encouragent le farniente, l'indolence et l'apathie ; les rêves-projets poussent à l'action.

11 août 2006

"Qui suis-je?"

On a tous besoin d'avoir une réponse à cette question. On a tous besoin de savoir qui on est pour fonctionner dans le monde.

Les personnes qui ne savent pas du tout qui elles sont - il y en a - sont coincées, ligotées par un point d'interrogation en noeud coulant. Leur incertitude sur un point absolument fondamental, les paralyse.

A cette question vitale, il y a de "bonnes" et de "mauvaises" réponses.

Pour comprendre comment il peut y avoir une mauvaise réponse à la question "qui suis-je?", il faut visualiser son identité comme une maison. Où va-t-on la construire?... Sur quel type de terrain ?

Si l'on se définit par son métier, on construit la maison de son identité sur du sable. Au moindre glissement du terrain, tout se cassera la figure. Il suffit d'une mise à pied, d'un congé qui se prolonge... pour que tout tombe. Ceux qui décident "je suis plombier, c'est ça mon être" (plombier ou homme d'affaire, ou n'importe quoi d'autre...) mettent au centre ce qui ne devrait être qu'à la périphérie. Ils donnent à un point de détail contingent la place de l'essentiel.

Résultat : dès qu'ils changent de métier ou que leurs vacances se prolongent, ils sont perdus, désorientés. Privés de leurs repères.

Pour être solide et rassurante, la maison de l'identité doit être batie sur du roc : une base inaltérable.

Plusieurs possibilités : revenir à la base. Qui suis-je ?.... Un être humain. Plus précisément, une femme (ou un homme). Ces réponses ouvrent elles-mêmes sur beaucoup de questions (c'est quoi, un être humain ?... le cousin germain d'un singe, ou autre chose ?... c'est quoi un homme, une femme ?) mais elles ont le mérite de ne pas être à la merci des circonstances. Quoiqu'il arrive, on restera un être humain, une femme.

Mais bien sûr, personne ne peut se satisfaire d'une définition aussi générale. On veut savoir de manière plus spécifique et précise, ce que l'on est, qui l'on est.

La solution la plus banale consiste à se définir par son passé - et ce qui s'est passé hier, c'est déjà du passé. On dit : "je suis timide", parce que jusque là, on l'a été. Ou : "je suis angoissé, nerveux" parce que jusque là, on l'a été. Ou : "je suis rêveuse" parce que jusque là, on l'a été.

Ce type de définition de soi paraît juste - mais il représente mine de rien un contrat passé avec l'avenir : "je m'engage à rester toujours la même personne, quoiqu'il arrive, et quand bien même ce que je suis ne me satisfairait d'aucune manière."

Se définir par ce qu'on a été dans le passé, c'est se programmer pour rester éternellement (c'est-à-dire, jusqu'à la mort) ce qu'on a été jusqu'à ce jour. C'est rater l'opportunité du présent, le présent du présent : aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie...

Bâtir son identité avec son passé, c'est bâtir une maison sans porte ni fenêtre dont on sera "l'hôte" à perpétuité.

Même si cette démarche parait à première vue moins rationnelle, il est infiniment plus sage de baser son identité sur son futur.
Il ne s'agit pas de se définir comme "le futur gagnant du loto", mais plutôt de clarifier à ses propres yeux son but, son objectif, et de le placer au centre de sa définition de soi.

Que cherche-t-on ?
Que veut-on au plus profond de soi ?...

Exemples : je veux être utile aux autres et m'améliorer. Ou : je veux servir la vérité. Je veux comprendre.

La vie n'est qu'un voyage, et de gré ou de force, nous ne sommes que des voyageurs. Notre identité est fugace comme nous le sommes ; la seule façon de la soustraire aux aléas, c'est de la fonder sur quelque chose de métaphysique, et donc de plus solide et durable que le monde matériel où tout bouge, s'use, s'effrite, s'effondre.

S'appuyer sur une direction, une intention, un choix, c'est bâtir la maison de son être sur de la roche - comme ces châteaux cathares dont les ruines surplombent encore le paysage, dix siècles après leur construction.

10 août 2006

Penser par soi-même (une méthode)

Lorsqu'on a le noble projet de penser par soi-même, c'est-à-dire de se faire une opinion personnelle sur un sujet donné, que faut-il faire ?...

Il ne suffit pas de se triturer solitairement la cervelle, car cet exercice ressemble trop au mouvement circulaire du poisson rouge dans son bocal pour mener quelque part. En gros, il n'y a pas mille méthodes possibles, mais une seule : examiner les différents points de vue existants sur la question.

Facile à dire, beaucoup plus difficile à faire.

En effet, on est conditionné par les idées auxquelles on adhère déjà : conditionné à ne voir, dans le paysage environnant, que ce qui confirme, appuie, étaie... nos anciennes et respectables croyances, celles auxquelles on s'identifie au point de les prendre pour nous-mêmes.

Le début de la sagesse, a dit quelqu'un de très sage, c'est de comprendre que d'autres points de vue sont possibles.

Ce qui ne signifie pas que "toutes les pommes du panier ont exactement le même goût" ni que "toutes les opinions se valent" ou que "la vérité, ça n'existe pas..." Envisager plusieurs points de vue sur un sujet donné ne conduit pas à un relativisme nivelant, mais plutôt à des prises de conscience.

Examiner plusieurs points de vue, cela signifie concrètement en examiner au moins deux : le pour et le contre.

Le pour et le contre de l'ésotérisme ; le pour et le contre du féminisme ; le pour et le contre de la peine de mort ; le pour et le contre de... n'importe quel sujet qu'on veut explorer vraiment en profondeur pour s'en faire une opinion personnelle.

Ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air, car sur chacun de ses sujets on trouvera une masse absolument énorme de documents, textes, livres, articles, films, etc., qui vont dans un sens, et pratiquement aucun qui va dans l'autre.

Le monde étant ce qu'il est, il y a toujours un pour (ou un contre) démesuré, et un contre (ou un pour) ridiculement atrophié.

Ce qui ne signifie pas que l'opinion minoritaire qu'on va dénicher dans les recoins du net et de librairies où l'on n'avait jamais mis les pieds avant est fausse - simplement qu'elle n'est pas à la mode, qu'elle remonte le courant au lieu de le descendre.

Prenons un exemple précis : la théorie de l'évolution.

La théorie de l'évolution, tout le monde est tombé dedans quand il était petit. On y a droit à l'école, dans les musées, dans les films (les allusions qu'on y trouve dans les films américains sont innombrables, cela va de "La planète des singes" à "Voyage à travers le temps"...), les magazines. A moins de vivre dans une grotte au fin fond de l'Himalaya sans télé ni radio, on est obligé de savoir que l'Homme est le cousin germain du Singe.

On peut très bien en rester là, et s'en contenter toute sa vie. Car lorsqu'on croit à quelque chose, on ne se rend pas forcément compte qu'on y croit : on peut très bien avoir l'impression qu'on ne "croit" rien, que c'est seulement la vérité, la réalité.

L'Homme est le cousin du singe comme la terre tourne autour du soleil, ou comme l'Amérique est un continent.

Sauf que le début de la sagesse, c'est de comprendre que différents points de vue sont possibles... et le milieu de la sagesse, c'est de les examiner (quand à la fin de la sagesse, personne ne l'a encore trouvée).

Et c'est là que se dresse un obstacle de taille.

Car l'apprenti penseur qui se dit "ok, je vais me faire une opinion personnelle, je vais chercher le Contre, je vais lire ce que disent les adversaires de la théorie de l'évolution", se retrouve confronter à un noeud émotionnel assez difficile à dénouer.

Quel noeud ?...

C'est que les adversaires de la théorie de l'évolution sont (là je parle de ceux dont on peut trouver les écrits facilement en français) pour la plupart des croyants. Or, l'apprenti penseur s'il n'est pas croyant lui-même a un apriori très négatif à l'égard des croyants, qu'il soupçonne d'office d'être de mauvaise foi, de manquer d'objectivité, et d'une manière générale de ne parler que pour prêcher. Lorsqu'on est encombré par un tel préjugé, il est bien difficile de lire - et encore plus de s'ouvrir à une argumentation.

C'est pourtant indispensable lorsqu'on veut voir avec ses deux yeux.

Tant qu'on a eu accès qu'au pour (ou qu'au contre) sur un sujet donné, on ne le voit qu'avec un oeil. Pour regarder avec ses deux yeux, il est indispensable d'envisager le revers de la médaille, qui porte toujours une inscription impossible à imaginer à l'avance quand on ne regarde que le côté face : on ne peut pas deviner, ni inventer cet autre point de vue.
Pour le connaître, on doit le chercher.

Pour finir sur ce sujet de l'évolution, il y au moins un livre - le seul à ma connaissance qui soit traduit en français - d'un scientifique qui ne croit ni en Dieu, ni en la théorie de l'évolution, et qui représente une aperçu très appréciable du Contre : c'est L'évolution, une théorie en crise, du célèbre biologiste Michael Denton.

On peut le commander à cette adresse :

http://www.amazon.fr/gp/product/2080812289/402-9987942-6967350?v=glance&n=301061

Sur le chemin ardu de l'apprenti penseur (et on reste apprenti penseur toute sa vie...), se dresse donc plusieurs obstacles de taille.

- Le premier, c'est la paresse. Il est beaucoup plus facile et confortable de continuer à croire ce qu'on a toujours cru, ou de gober tout cru ce qui se raconte à la télé, que de faire des recherches et des lectures - ce qui représente du temps, de l'argent et des efforts.

- Le deuxième, c'est les émotions et l'identification affective. On est attaché émotionnellement à ce qu'on croit déjà ; on s'identifie à ses croyances au point de les prendre pour soi. Changer d'opinion - et dès qu'on se met à explorer un nouveau point de vue, c'est le risque et la chance que l'on court -, est une expérience émotionnellement destabilisante. C'est comme si l'image familière dans le miroir se mettait à bouger, comme si ses contours se modifiaient. D'une certaine façon, on devient quelqu'un d'autre et ça fait bizarre.

Pour surmonter le premier obstacle, la paresse, il faut être motivé par une perception claire de la valeur de ce que l'on recherche : la vérité.

Il n'y a rien de plus précieux à connaître que la vérité sur cette terre. C'est la vérité qui libère, c'est elle aussi qui permet d'avoir une prise sur le réel, de pouvoir agir - agir sur soi, sur les autres, sur le monde. Sans vérité, on est totalement démuni et impuissant. Que pourrait faire un poisson qui se prendrait pour un oiseau ?... Quel avenir aurait une poule qui prendrait les renards pour des chiens ?... La vérité donne le pouvoir sur soi et sur sa vie - il n'y a qu'elle qui puisse le donner.

Pour surmonter le deuxième obstacle, il faut se redéfinir soi-même non par rapport à ce qu'on croit déjà, mais par rapport à son aspiration principale : le noyau de notre être ce n'est pas l'athéisme, le communisme, l'enseignement ou le commerce, ni rien de ce qu'on croit ou qu'on fait déjà, mais ce qu'on veut : la vérité. Le centre de notre être, ce qui nous définit en tant qu'être humain, ce ne sont pas nos croyances contingeantes ni notre passé plus ou moins valable, mais bien cet amour de la vérité, cette quête de la vérité.

Si l'on parvient à se visualiser sous ce jour, on ne craindra plus de perdre ses contours en changeant d'opinion, et on ne refusera plus une vérité nouvelle sous prétexte qu'elle nous dérange dans nos habitudes et notre définition de nous-même ; l'on sera prêt au contraire à troquer des croyances anciennes contre d'autres idées plus rationnelles, et à subordonner nos émotions à notre logique - ce qui est bien souvent la meilleure chose à faire...

A première vue...

Bizarrement (ou pas), on n'entend jamais personne dire "à deuxième vue" ou "à troisième vue, je dirais que..." Le langage n'a entériné comme expression courante qu' "à première vue".

Est-ce significatif ?...

La première vue, c'est le regard frivole et superficiel qu'on jette de loin sur les choses. Si quelque chose brille - un gros faux diamant par exemple - on le verra. Sinon, non. La première vue, c'est la vision floue et négligente du myope qui a oublié ses lunettes. Sa vision du monde est tellement basique, tellement pauvre, que n'importe quelle tâche verte ayant à peu près la forme, passera toujours à ses yeux pour un arbre.

Il y a des lois naturelles, physiques, qui ont leur exact équivalent dans le monde moral. Ainsi, pour monter, il faut faire beaucoup plus d'efforts que pour descendre - et pour s'améliorer et se perfectionner au niveau moral, il faut aussi faire beaucoup plus d'efforts que pour se laisser aller à tous ses défauts.
Une autre loi physique qui trouve sa contre partie dans le monde invisible, est l'impossibilité d'identifier correctement une chose qu'on ne voit que de loin. A 100 mètres, un diamant est impossible à distinguer d'un vil éclat de verre : pour savoir à quoi on à affaire, il est nécessaire non seulement de s'en approcher, mais de l'examiner de très près.

Les joailliers ont d'ailleurs des loupes spéciales pour scruter les détails les plus infimes de leurs pierres. S'ils sont de véritables spécialistes, c'est bien parce qu'ils utilisent (à bon escient) ce type d'instrument.

Dans le monde parallèle et invisible des idées, il en est de même. Une idée n'est connue que si on l'examine de très près : à une certaine distance, impossible de savoir s'il s'agit d'un authentique rubis ou d'une perle en verre.

Les décorateurs de théâtre savent que sous les feux de la rampe, ce ne sont pas les vrais diamants qui brillent le mieux, mais les faux. Pour que l'effet soit réussi, le strass et les paillettes sont indispensables. Ce qui a l'air vrai vu de loin, est souvent ce qui est le plus faux vu de près.

Se contenter d'une "première vue", croire aux idées qui ont l'air vraies et convaincantes vues de loin, est l'équivalent psychologique de ces comportements bien connus :

- Croire que ce qu'il y a dans la boite, est ce qui est inscrit sur l'étiquette, sans vérifier en ouvrant.

- Chercher un objet qu'on a perdu non là où on l'a perdu, mais là où il y a de la lumière pour chercher, parce que c'est plus pratique.

- Prendre une route qui ne mène nulle part (ou dans les ronces) parce qu'elle est agréable et qu'elle descend.

Une question qu'il n'est pas inutile de se poser, quelle que soit d'ailleurs les circonstances, est celle-ci : est-ce que je cherche la réalité ou l'image ? la substance ou l'apparence ?...

Si l'on ne cherche que l'image, alors il ne faut pas s'étonner de ne trouver qu'elle. C'est-à-dire, un mirage. Illusion qui ne nourrit pas, ne soutient pas, et se déchire dès qu'on s'y appuie, comme un trompe l'oeil, la toile peinte d'un décor de théâtre.

Si l'on cherche la réalité par contre, alors on ne peut pas se dispenser de regarder de près, d'examiner en détail, de dépasser la zone du flou artistique pour arriver à celle de la précision et de la rigueur. Dire que les apparences sont trompeuses, c'est dire beaucoup plus qu'un lieu commun.

L'intelligence n'est pas un don inné que l'on a ou que l'on n'a pas, mais un outil que tout un chacun possède. Chaque être humain ou presque dispose de facultés rationnelles tout à fait opérationnelles.
Seulement voilà : la plupart des gens ne souhaitent tout simplement pas les utiliser. Alors ils laissent rouiller leur intelligence au garage, derrière une voiture amoureusement entretenue et une tondeuse soigneusement bichonnée, étincellante...

Se servir de son intelligence, c'est aller plus loin qu'une "première vue" paresseuse, refuser le jeux fascinant et trompeur des images pour partir en quête de la réalité occulte qui se cache derrière leur surface.

09 août 2006

Penser par soi-même ?

S'il y a bien une expression galvaudée, c'est celle-là : penser par soi-même.

Tout le monde semble bien d'accord pour reconnaître qu'il est important, ou du moins méritoire, de penser par soi-même.
Mais qu'est-ce que ça implique concrètement ?... Et à quoi reconnaît-on qu'on pense par soi-même ?....

Tout d'abord, on peut rappeller que "penser par soi-même" est un équivalent strict de "penser". En effet, lorsqu'on ne pense pas par soi-même, on ne pense pas : on se contente de se faire l'écho des idées de quelqu'un d'autre (ou de quelques autres).
On s'imagine parfois que l'expression "penser par soi-même" correspond à un état de concentration extrême, crispé et solitaire - quelque chose comme le penseur de Rodin, en plus constipé.
Penser par soi-même demande au contraire qu'on aille chercher ce que les autres pensent. Toute la différence (et elle est énorme) avec le fait de "penser par les autres", c'est-à-dire de ne pas penser mais juste de réfléchir bêtement comme un miroir, est dans le verbe chercher.

En effet, il a deux façons très différentes de rencontrer les idées des autres.

1/On peut les attraper comme on attrape les microbes, avec l'air qu'on respire - c'est d'ailleurs leur mode de propagation le plus courant.

2/ On peut les chercher activement quelque part - livre, conférence, article, site web, discussion, etc.

Lorsqu'on les attrape, c'est en réalité elles qui nous attrapent. Elles nous dominent et nous mènent par le bout du nez sans même que nous nous en rendions compte. En effet, nous ne savons même pas que nous croyons quelque chose - pour nous, c'est la réalité, la vérité, une évidence indiscutable. Un peu comme quelqu'un qui verrait le monde à travers des lunettes déformées et colorées, mais qui ne le saurait pas : il prend sa vision cubiste ou expressionniste pour la réalité qui l'entoure.

Lorsqu'on les cherche, les idées nous dominent aussi - mais dans la mesure où l'on a souffert pour les trouver, on sait du moins qu'il s'agit d'idées. Et surtout, cette recherche préalable fait qu'on a bougé sa tête, qu'on a changé - même si ce n'est que sur un point de détail - ses croyances. Bref, on est devenu moins bête...

Le proverbe trivial Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis comporte une bonne part de vérité.

En effet, quelqu'un qui n'a jamais changé d'opinion sur rien est dans l'un de ces deux cas :

1/Il a toujours connu la vérité sur tout et ne veut pas troquer la clarté contre l'obscurité, la vérité contre l'erreur.

2/Il n'a jamais réfléchi à rien et se satisfait parfaitement de continuer à croire jusqu'à la mort aux idées bactériologiques qu'il a respiré à la naissance.

02 août 2006

Amour inconditionnel ?

Dans les années soixante-dix, une idée entièrement nouvelle, inconnue auparavant, a commencé à être semée dans les livres, les journaux, la télévision, le cinéma, la radio... partout.

Cette idée a germé, avec le temps c'est devenu un arbre immense, solidement enraciné dans toutes les têtes : L'amour doit être inconditionnel.

Actuellement, cette idée règne aussi bien dans la religion (Dieu serait "amour inconditionnel") que la psychanalyse, le développement personnel ou les manuels du type Comment élever son enfant ? ou Comment réussir sa vie de couple ? Tout le monde est d'accord : l'amour doit être inconditionnel. Tout le monde le dit, tout le monde l'explique, tout le monde l'affirme : l'amour doit être inconditionnel.

C'est devenu une évidence si universelle, que personne - mais vraiment personne - n'ose apporter ne serait-ce qu'un bémol à ce dogme. L'amour doit être inconditionnel, point final.

J'y ai cru comme tout le monde. A première vue, cela parait un principe magnifique, "l'amour inconditionnel". On imagine quelque chose de grand, de fort, de doux, d'enveloppant - quelque chose qui ne juge pas, ne condamne pas, mais accepte et englobe. Le grand confort... presque le ventre de maman.

Mais à seconde ou troisième vue, qu'en est-il ? Car on a trop tendance à juger les idées à la va-vite, sur leur apparence, prenant le joli point brillant à la surface de l'eau pour un effet du soleil, quand il s'agit en réalité de la pointe d'un iceberg invisible, vers lequel on se dirige en toute inconscience, capitaine du Titanic.

Inconditionnel, ça veut dire quoi, exactement ? Inconditionnel, ça veut dire sans aucune condition, quelle qu'elle soit. Aimer inconditionnellement quelqu'un, ça veut dire l'aimer et continuer à l'aimer, quoiqu'il fasse, quoiqu'il dise, quoiqu'il arrive.
Dans l'abstrait, c'est grandiose.

Et maintenant, deux exemples d'amour inconditionnel tirés de la réalité concrète :
- La femme de Dutroux. Elle l'a aimé inconditionnellement, et l'a aidé, par amour inconditionnel, à vivre jusqu'au bout sa passion des fillettes prépubères.
- Jacqueline B***. Elle est restée, par amour inconditionnel, avec Antoine S*** pendant cinq ans. Antoine en a profité pour la violer en compagnie de ses amis. Ils se sont bien amusés.

Est-ce que l'on doit aider son mari psychopathe à violer et tuer, par amour inconditionnel ? est-ce que l'on doit supporter patiemment les pires sévices, les pires tortures, par amour inconditionnel ? Est-ce que l'on doit aimer les tueurs en série, les pervers, les pédophiles ? Après tout, si l'amour doit être inconditionnel, eux aussi y ont droit.

Si l'on répond "non", alors il est faux que l'amour doive être inconditionnel et il faut examiner de plus près cette croyance séduisante et illusoire.
Si l'on répond "oui", c'est qu'à force d'adhérer à des idées fausses, on a perdu toute notion de la différence entre le bien et le mal - mais il n'est jamais trop tard pour récupérer son bon sens.

En fait, tout dépend des conditions.
Aimer quelqu'un à condition qu'il nous invite tous les jours au restaurant, ce n'est pas de l'amour mais une exploitation raisonnée du portefeuille de l'autre. Aimer quelqu'un à condition qu'il nous fasse sans arrêt des compliments, ce n'est pas de l'amour mais du narcissisme.

Mais il y a des conditions toutes différentes qui, elles, sont extrêmement constructives.

Qu'est-ce qui motive un enfant dans son travail ?...
C'est de voir la satisfaction du maître quand il fait des progrès, et au contraire son visage fermé quand il ne travaille pas. Ce qui le pousse en avant, c'est un amour complètement conditionnel : s'il avait droit à des sourires amicaux lorsqu'il chahute, il perdrait les trois-quart de sa motivation.
Prôner "l'amour inconditionnel" comme on le fait, revient à décourager l'apprentissage. S'il n'y a aucune carotte émotionnelle pour les faire avancer dans le bon sens, pourquoi les enfants se fatigueraient-ils ?... S'ils sentent qu'on les aimera exactement de la même façon quoiqu'ils fassent ou qu'ils ne fassent pas, qu'ils soient sages et appliqués comme de petits anges ou insupportables comme de petits diables, et quand bien même ils ne feraient aucun effort, comment pourraient-ils se construire ?...
Personne n'est prêt à faire longtemps des efforts s'il n'a aucun espoir de récompense - et en particulier, aucun espoir de récompense émotionnelle.

Pour progresser, les enfants ont besoin de sentir un amour sainement conditionnel, c'est-à-dire un amour qui diminue ou augmente selon leur comportement et leurs choix. S'ils savent que leur bonne volonté, leurs efforts pour s'améliorer leur rapportera un "bonus" affectif, ils redoubleront d'effort.

Mais cette méthode pédagogique très classique, vieille comme le monde, est aujourd'hui complètement out.
Tout le monde a la tête programmée pour trouver ce système de récompense horrible, ignoble - et tant pis pour les enfants, si au nom de l'amour inconditionnel (nouvelle divinité à la mode) ils n'apprennent rien, même pas à apprendre et qu'en conséquence, ils se retrouvent complètement démunis devant les difficultés inévitables de l'existence.
Ce ne sera pas la première fois qu'on sacrifie des êtres humains à une idée-idole...

Sur ce point comme sur bien d'autres, un adulte n'est qu'un enfant pour qui le temps a passé.

On ne fait pas de progrès seulement "pour soi-même", indépendamment de tout contexte extérieur. On ont besoin de savoir que quelqu'un d'autre veut qu'on progresse, est heureux dès qu'on progresse, et sera mécontent si l'on régresse.
Petie illustration autobiographique : j'ai un mari adorable qui me pousse sans arrêt à faire des progrès. Il ne me laisse jamais me reposer sur mes (maigres) lauriers, ni dire ou croire que "je suis comme ça depuis toujours, alors ce n'est pas maintenant que je vais changer". C'est grâce à son amour intelligement conditionnel que j'avance : je sais qu'il m'aime d'autant plus qu'il me voit forte, courageuse, et déterminée à triompher de mes faiblesses.

28 juillet 2006

Pourquoi ne trouve-t-on que ce que l'on cherche ?

Ce n'est pas une règle absolue, mais en général, on ne trouve que ce que l'on cherche. Car même si on trébuche sur quelque chose de très précieux, si on n'a pas cherché ce quelque chose, il y a de forte chance qu'on se relève, qu'on s'époussette, et qu'on continue sa route comme si de rien n'était.

En effet, on ne mesure pas la valeur de ce qu'on n'a jamais cherché.

Qui sait ce que vaut l'argent ? Ceux qui en manque et qui peinent pour l'obtenir. Qui sait ce que vaut la vérité ? Ceux qui la cherchent et peinent à la trouver. Qui sait ce que vaut l'amour ? Celui qui a été privé de câlin quand il était enfant, et qui a cherché partout le sentiment doux et chaud qui lui a manqué petit.

Donnez un trésor à quelqu'un qui n'a jamais cherché aucun trésor, et il le laissera là - croyant que si on le lui offre gratuitement, c'est qu'il ne s'agit que de pacotille sans valeur. Ou peut-être qu'il jugera que le poids du trésor, qu'il devrait ramener chez lui sur son dos, est trop lourd pour lui...

Les mensonges auxquels on croit : des indice pour les détecter

Il n'y a malheureusement pas de critère évident qui permette de distinguer la vérité de l'erreur. Cependant, certains signes et indices peuvent mettre sur la voie...

Si l'on mettait face à face, pour un combat équitable, la vérité et le mensonge, il est quasiment certain que la vérité triompherait. En effet, la vérité est en adéquation avec le réel et l'explique : sa cohérence, sa pertinence, son adéquation totale avec le réel, font sa force. Le mensonge par contre est en décalage avec la vérité comme avec le réel - ce qui le rend fragile comme un décor de théâtre. L'examiner de près, c'est dévoiler la supercherie.

Le mensonge ne survit donc que grâce à des effets spéciaux (et spécieux) : éclairage sélectif, pénombre savamment entretenue, effets d'optique et trompe l'oeil... Il ne supporte pas la lumière du grand jour, qui révèlerait tous ses trucs.

Si - donc - on ressent par rapport à une certaine croyance qu'on héberge une impression de confusion, de pénombre et de mystère tenace, il y a de forte chance que cette croyance en question soit mensongère, ou partiellement mensongère.
Si, de plus, on s'aperçoit qu'on est incapable d'expliquer clairement cette croyance à quelqu'un, ou qu'on se sent stressé, angoissé, à l'idée de la présenter au grand jour... c'est peut-être qu'on sent confusément qu'elle ne résisterait pas à la lumière, étant l'enfant de l'ombre et du trucage.

Lorsqu'expliquer la croyance mise sur la sellette déclenche confusion mentale et angoisse, on tient là un indice précieux : cette idée est très probablement de la fausse-monnaie qu'on prend pour de l'or.

Mais il y a un autre indice tout aussi révélateur et significatif. C'est la colère et le refus d'en discuter. Le fait de s'emporter, d'insulter celui qui ose ne pas partager une croyance que l'on possède, ou plutôt qui nous possède, est un signe presque certain que l'idée en question n'est qu'une chimère.
Si l'autre reste calme et courtois, et que le simple fait qu'il contredise notre opinion nous rend amer et furieux, prêt à lui cracher rageusement à la face, il y a de forte chances que cette opinion si précieuse, cette "vérité" auquel on s'accroche, n'est qu'un mensonge, un mirage.

En effet, si l'on se sentait dans son fort intérieur sûr de la vérité de sa croyance, on en discuterait calmement, sans craindre que l'autre puisse nous la faire perdre par ses arguments.
Refuser de discuter (quand l'autre est de bonne compagnie et ne fait pas preuve d'agressivité), c'est avouer sa faiblesse, ou plutôt, avouer la faiblesse misérable de ce à quoi on croit.

Le propre d'une discussion, c'est de faire bouger les idées : si l'idée n'est qu'une idole de verre, il suffit de la déplacer pour qu'elle se brise. C'est pour cela qu'on se sent si mécontent, si furieux, lorsque que quelqu'un porte la main sur ce "trésor" fragile et illusoire que l'on chérit.

Un sens à sa vie : faut-il le "donner" ou le "trouver" ?

Donner un sens à la vie, donner un sens à sa vie, trouver le sens de la vie, trouver le sens de sa vie... Mine de rien (ou mine de quelque chose), toutes ces expressions ne sont pas du tout équivalentes.

1/ Donner du sens à la vie, suppose que la vie n'en a pas à la base - car si elle en avait déjà un vrai, il n'y aurait aucun intérêt à lui en donner un autre, inévitablement moins authentique que le premier. Si l'on peut, ou si l'on doit "donner un sens à la vie", c'est que la vie est absurde. Cette absurdité douloureuse, insupportable, doit être masquée par une couche de peinture - de sens - pour devenir supportable.

Conseiller ou se conseiller de "donner un sens à la vie", c'est donc répondre - déjà - à une question existentielle fondamentale : la vie a-t-elle un sens ?...
Non, elle n'en a pas - et c'est pour ça qu'il faut s'efforcer de lui en rajouter un, comme on rajouterait une couronne de roses à une tête de mort, pour rendre son rictus moins déplaisant.

2/ Donner un sens à sa vie. Cette expression ressemble beaucoup à la première, mais elle part d'un constat un peu différent. Le constat que ma vie à moi (et non la vie en général) n'a pas de sens... Et qu'il faut y remédier. La grande question : comment ?

3/Trouver le sens de sa vie. Cette fois-ci, on suppose que ce qui semble absurde à première vue, ne l'est pas. Le sens existe... mais on ne l'a pas encore découvert. Là encore, toute la difficulté est dans le comment ?
La plupart des gens qui sentent que le sens de leur vie leur échappe, se précipitent vers un autre métier ou une psychanalyse pour résoudre le problème. C'est peut-être mettre la charrue avant les boeufs.
Comment pourrait-on trouver le sens de sa vie, tant qu'on ne connaît pas le sens de la vie ?... L'individu moderne oublie qu'il n'est qu'un échantillon d'humanité.

4/Trouver le sens de la vie : on ne peut comprendre le cas particulier que lorsqu'on a saisi la règle générale. Pour comprendre un être humain singulier, noeud bien spécifique de problèmes, il faut déjà comprendre ce qu'est l'humanité.
L'ambition de se connaître soi-même, qui est grande, belle et légitime, oublie souvent qu'on n'identifie pas un récipient en l'explorant seulement de l'intérieur. Pour savoir s'il s'agit d'une théière, d'un bol ou d'un pot de chambre, il faut en sortir et le voir du dehors de manière objective.
Pour se connaître, l'introspection ne suffit pas : il faut aussi de l'exspection - le mot existe au moins ici.

Pour trouver le sens de sa vie - cas spécifique - il faut donc commencer par trouver le sens de la vie - loi générale. Or... On ne trouve que ce que l'on cherche. Et pour chercher quelque chose, il faut d'abord croire à son existence : personne ne cherche de licorne, hormis ceux qui croient à leur réalité.

Pour trouver le sens de la vie (grâce auquel on pourra connaître le sens de sa vie), il faut donc commencer par croire que la vie a un sens bien réel, un sens "objectif" et connaissable... même si on ne le connaît pas encore.

27 juillet 2006

La naïveté

La naïveté est plutôt mal vue, à notre époque. Le mot lui-même évoque quelque chose d’un peu bébête. Je me rappelle, lors d’une circonstance bien précise, m’être fait rabrouée avec hauteur pour ma « naïveté » intellectuelle par une spécialiste (il s’agissait de langage, justement).
Mais c’est quoi, la naïveté ?

Etymologiquement, c’est une caractéristique, ou une qualité, qui est de naissance : naïveté vient de naïf, qui vient de nativus.

La naïveté, c’est cette qualité précieuse qui fait que les enfants posent des questions si pertinentes… alors que les adultes n’en posent plus, quoi qu’ils n’aient pourtant pas trouvé les réponses.

Le fait de se questionner, et de questionner les autres, de chercher les « pourquoi », est naïf.

Le fait de garder un air entendu et un silence prudent, faussement informé (du genre « je sais, je sais ») dans des circonstances étranges où l’on ne comprend rien, est le contraire de la naïveté. Ainsi de Perceval, lorsque le Graal passe devant lui : la scène est extrêmement bizarre et pourtant, il ne pose aucune question. C’est pourquoi il échoue dans sa quête initiatique.

Voici le passage du roman de Chrétien de Troye :

« Tandis qu'ils parlaient de choses et d'autres, un jeune valet, qui porte une lance blanche qu'il tient par le milieu, sort d'une chambre ; il passe entre le feu et ceux qui étaient assis sur le lit. Tout le monde pouvait voir la lance blanche et l'éclat de son fer. Il sortait une goutte de sang à la pointe de la lance et cette goutte vermeille coulait jusqu'à la pointe. Le jeune Perceval qui vient d'arriver en ces lieux voit ce spectacle surprenant mais il se retient de demander comment cela peut se produire, car il se rappelle la recommandation de celui qui lui a appris la chevalerie : il faut se garder de trop parler. Il a donc peur, s'il pose une question, qu'on le trouve grossier et c'est pour cette raison qu'il ne demande rien. […] Perceval vit passer les jeunes gens mais il n'osa pas demander qui l'on servait dans ce graal, car il pensait toujours à la recommandation du sage seigneur. J'ai bien peur que le mal ne soit déjà fait, car j'ai souvent entendu dire qu'on peut parfois trop se taire, tout comme on peut parfois trop parler. Mais cependant, le jeune homme ne leur pose aucune question, ni pour son bien, ni pour son malheur. […] Pendant ce temps, le graal traversa encore la salle devant eux - le jeune homme ne demanda pas qui l'on servait avec ce graal. Il s'en gardait à cause du seigneur respectable qui lui avait conseillé de ne pas trop parler : ce conseil lui reste en mémoire, il ne cesse d'y penser. Mais il est plus silencieux qu'il ne devrait l'être. À chaque mets que l'on apporte, il voit le graal repasser juste devant lui, sous ses yeux, mais il ne sait pas à qui il sert. Il voudrait bien le savoir et il se dit qu'il demandera, avant de partir du château, à l'un des serviteurs de la cour. Mais il préfère attendre le lendemain matin, quand il quittera son hôte et tout son entourage. Il remet sa question au lendemain et il s'occupe seulement de bien manger et de bien boire. D'ailleurs, il ne regrette rien parce qu'on sert à la table des mets et des vins tous aussi délicieux que plaisants. »

Le jeune Perceval, un peu trop civilisé par les conseils de prudence et de politesse qu’on lui a prodigué, a donc perdu sa naïveté première : il s’interroge dans son for intérieur, mais ne pose pas de question. Au lieu d’interroger naïvement, il profite du repas. C’est ce qui lui fait rater une opportunité unique – et des opportunités exceptionnelles, on n’en a parfois qu’une seule dans sa vie.
Lorsqu’on la rate, on rate tout.

La crédulité est un défaut, mais la naïveté n’en est pas un. Au contraire : elle est intimité, contact avec la saine nature, avec le bon sens interrogatif et chercheur, questionneur, de l’enfance.
Perdre sa naïveté, ce n’est pas gagner en intelligence ou perspicacité, mais gagner en cynisme, en frilosité peureuse, effrayée (par le jugement des autres), en indifférence apathique, anesthésiée : perdre sa naïveté, c’est perdre.

Heureusement, la naïveté se retrouve, et ce n’est pas parce qu’on s’en est éloigné un temps qu’on ne peut pas renouer avec elle.

Crédule, l’enfant croit tout ce qu’on lui raconte –c’est sa faiblesse.
L’adulte se croit très malin, et cherche souvent la vérité dans ce qui lui paraît compliqué, mystérieux ou paradoxal, contradictoire… Autrement dit, l’adulte cherche souvent midi à minuit – c’est sa faiblesse.

L’idéal serait de chercher à comprendre comme un enfant, et d’examiner les réponses que le monde et les autres nous propose, avec un sens critique d’adulte.