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LA LETTRE BLEUE
(Chaque matin, une citation commentée par Lucia Canovi)


 

12 septembre 2006

Le chien de Pavlov et nous

A la fin du dix-neuvième siècle, le grand scientifique russe Pavlov a démontré que si un chien (ou n’importe quel animal) est nourri au son d’une certaine sonnerie pendant un certain nombre de jours, il suffira par la suite qu’il entende la sonnerie pour se mettre à saliver comme s’il était déjà devant sa pâtée.
Inversement, si un chien reçoit un électrochoc au son d’une certaine sonnerie, il suffira par la suite qu’il entende la sonnerie pour sursauter, comme s’il se faisait électrocuter…

Les êtres humains d’aujourd’hui sont soumis à des conditionnements plus subtils, mais qui au fond, reposent sur le même principe d’association.

On met une belle fille à moitié nue sur une voiture, on multiplie l’affiche aux quatre coins de la France, et au final, une connexion se fait dans le cerveau de celui qui regarde : voiture de telle marque – belle fille. Sa faim de belles filles est ainsi redirigée vers les voitures, et il aura l’impression (trompeuse) de satisfaire son appétit tout charnel pour les unes en achetant une machine en métal.

Les conditionnements peuvent aussi fonctionner dans l’autre sens : on prend par exemple la photo d’un barbu, on met en dessous en lettres capitales le mot « terrorisme », et on multiplie ce genre d’association un peu partout. Au bout du compte, une excroissance naturelle du système pileux suffira à déclencher la même réaction de peur ou de colère que le terrorisme lui-même.

Du coup la lutte contre le terrorisme se transforme insensiblement en lutte contre les poils de barbe et lutte contre les barbus.

A tel point qu’un terroriste au menton lisse apparaît presque comme un oxymore, une impossibilité logique. Ce terroriste au visage imberbe a de fortes chances de passer inaperçu : n’entrant dans aucune catégorie mentale, il est invisible ou presque…. Ce qui est très pratique, quand on est terroriste.

Ou encore, on va accoupler « démocratie » et « respect », « droits de l’homme », « liberté », etc., créant ainsi un réflexe pavlovien positif en faveur du mot « démocratie » (je dis le mot, car dans tous ces conditionnements, ce qui est manipulé ce sont les mots, les images, les signes et les symboles – la réalité est malheureusement hors de cause.)

Et le fait même de mettre en lumière tous ces conditionnements peut agacer ceux qui sont ainsi dérangés dans leurs routines mentales, et qui se disent peut-être : mais c’est vrai que les terroristes sont des barbus ! mais c’est vrai que la démocratie, c’est le respect des droits de l’homme !... Alors à quoi ça rime de dire qu’on est conditionné ?

Chacun, selon les lunettes qu’il porte sur le nez, remarque certains détails du paysage et en délaissent d’autres. Ceux qui ne correspondent pas à sa vision préétablie (plus ou moins pavlovienne) des choses, sont considérés comme insignifiants, et mis au rancart.

On pourrait aussi bien sélectionner d’autres éléments du paysage, tracer d’autres routes pour le cheminement intellectuel.

Par exemple – et juste pour le plaisir d’écorner un peu un mot-idole – ne pourrait-on pas souligner le lien étroit qui unit démocratie et terrorisme ?...
Après tout, ce sont les démocrates qui ont inventé le terrorisme. Ce sont les démocrates qui ont fondé le terrorisme, en même temps que la démocratie, et pour assurer le triomphe de la démocratie.
C’est au cri de « Liberté, égalité, fraternité ! » que les premiers attentats terroristes contre une population civile ont été mené. Les terroristes d’alors croyaient fermement à la démocratie – et c’est en son nom qu’ils massacraient au hasard femmes, enfants et vieillards, durant la Terreur… prototype originel qui inspira tous les terrorismes qui lui ont fait suite.

Idées personnelles et idées reçues

L'originalité n'est, selon une définition assez pertinente, que l'art de dissimuler ses sources...

En effet la plupart des idées sont reçues. Même nos idées les plus originales et les plus personnelles ne sont bien souvent que les enfants bâtards, secrets, d'idées reçues d'ailleurs.

Un peu comme la dernière pièce d’un puzzle, dont la forme et la couleur sont déductibles du contexte, une idée « personnelle » n’est souvent que l’ultime pièce manquante que l’on ajoute à un puzzle dont toutes les pièces nous viennent d’autre part...

Exemple :

- L’humanité a toujours souffert de guerres et de conflits… il faut mettre un terme à toute cette barbarie. (première pièce du puzzle)
- Laissés à eux-mêmes, les états sont incapables de faire régner la paix sur leurs territoires (deuxième pièce du puzzle).
- Tous les conflits tirent leur origine des nationalismes, des chauvinismes, des identités nationales (troisième pièce du puzzle).

Qui, en possession de ces trois pièces de puzzle, ne va pas trouver en lui-même la quatrième, celle qui donnera à l’image toute sa cohérence, la solution tant attendue ?...

C’est ainsi que les tenants du Gouvernement Mondial travaillent, non à imposer l’idée qu’un état et une police uniques à l’échelle du monde serait la solution à tous les problèmes de l’humanité, mais à faire germer cette idée dans les têtes.

Au lieu de donner la tomate directement, ils distribuent des graines de tomate, de l’engrais, un arrosoir et de l’eau.

En effet, on est nettement plus réceptif et crédule à l’égard des idées que l’on prend pour les siennes propres (celles qu’on a trouvées soi-même dans son propre jardin) qu’à l’égard de celles dont sait qu’elles nous viennent de l’extérieur.

11 septembre 2006

Le milieu de la paix

Un poème, pour changer.

Le milieu de la paix, n'est pas très peuplé.

Et la foule grondante s'arrête avant son bord... écume, tracas de cailloux jeté à la lisière comme le crachat de mépris d'un océan stupide et rageur.

Vaut-il mieux être in les problèmes, ou complètement out ?...

Vaut-il mieux un malheur glamour, ou un bonheur rétro, archaïque ?...

Vaut-il mieux une image étincelante qui dissimule un douloureux néant, ou un palais splendide à l'intérieur, à la façade défigurée par les tags ?...

J'ai choisi le milieu de la paix, et sa façade vandalisée. Que d'autres se précipitent à la poursuite d'un leurre qui brille, et regrettent en pleurant comme de petits enfants de ne pas pouvoir jouer avec le feu ou voler comme superman : le dénouement est l'hôpital.

Dans les silences laissés par l'intervalle des ruses, s'inscrit la ruse noble, celle qui complote une liberté plus grande. Au final, ce n'est pas le Mal

qui aura le dernier mot.