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LA LETTRE BLEUE
(Chaque matin, une citation commentée par Lucia Canovi)


 

10 mai 2014

"Droit de vivre", "droit à la vie" et "droit de mourir" : petit éclaircissement sur ces expressions plus ou moins piégées

Certains philosophes (qui se prétendent des moralistes alors qu'ils sont des immoralistes) se demandent à longueur d'ouvrage si telle et telle catégorie de personnes ou d'êtres vivants ont le "droit de vivre".

Les handicapés mentaux ont-ils le droit de vivre ?
Les enfants malformés ont-ils le droit de vivre ?
Les [...] ont-ils le droit de vivre ?

En réalité, le problème ne se pose jamais en ces termes.

En effet, que signifie le mot ou l'expression "droit de..." ?

Il signifie "permission de faire quelque chose". Or les handicapés et les enfants malformés ne font rien de particulier. Ils n'ont même pas choisi d'être vivants ! Et nous non plus. La permission de faire quelque chose s'applique aux choix, et vivre n'est pas un choix. 

La question n'est donc pas "ont-ils le droit (la permission) de vivre", mais est-ce que les autres, qui ne sont ni handicapés mentaux, ont-ils le droit (la permission) de les tuer.

Là, oui, il y a bien une vraie question qui se pose, car tuer est un choix.

Reformulée, la vraie question qui se pose est donc :

A-t-on le droit de tuer les handicapés mentaux ?
A-t-on le droit de tuer les enfants malformés ?

Comme tuer une personne innocente constitue un meurtre, la réponse est évidente, ou devrait l'être.

ps : si quelqu'un m'objecte qu'on a "droit au bonheur" ou "droit à la richesse", et que dans ces expressions il ne s'agit pas de "faire" quelque chose, je lui répondrai que ces expressions sont des abus de langage. On a droit de RECHERCHER le bonheur (d'après la déclaration d'indépendance des États-Unis), c'est-à-dire qu'on le droit de FAIRE les choses qui (espérons-nous) nous rendrons heureux, et de la même manière on a droit de RECHERCHER la richesse. 

Maintenant, supposons que les susdits philosophes reformulent leur question en : "Les [...] ont-ils droit à la vie ?" et répondent (comme d'habitude) "non, pas vraiment".

Cette fois-ci, l'expression est la même qu'on trouve par exemple dans la phrase "Il a droit aux allocations sociales".

Qui décide de qui a droit aux allocations sociales ?

L'organisme qui les accorde et les refuse, c'est-à-dire la CAF. 

 Paul, Jean et Marie peuvent PIQUER les allocations sociales de quelqu'un qui y a droit, mais ce n'est pas eux qui décident qui y a droit et qui n'y a pas droit.

De même, qui décide de qui a droit à la vie ? 

Celui qui l'accorde et la refuse. Quand Il l'accorde à quelqu'un, cela signifie que cette personne y a droit. 

Paul, Jean et Marie  peuvent TUER quelqu'un qui a droit à la vie (puisqu'il en bénéficie), mais ce n'est pas eux qui décident qui y a droit et qui n'y a pas droit. 

Les philosophes qui se demandent si machin et bidule ont droit à la vie ne leur ont pas donné  la vie. Dans leur bouche, la question de savoir qui a droit à la vie est donc totalement présomptueuse et déplacée, impertinente au sens strict. A partir du moment où quelqu'un vit, c'est qu'il y a droit, puisque Celui qui donne et refuse la vie la lui accordée.

(Et là, il y en a qui vont me dire qu'avec ce type d'argument, la peine de mort doit être systématiquement interdite... NON, car Celui qui donne et refuse la vie a légiféré la peine de mort pour les assassins. Cf la Bible et le Coran.)

On en revient donc toujours à l'autre question : a-t-on le droit de TUER une personne innocente ?

Et la réponse est toujours non.

Parlons maintenant du "droit de mourir", dont parlent tant les associations pro-choix (associations militant pour la légalisation du suicide). 

Mourir n'est pas plus un acte ni un choix que vivre. On vit sans l'avoir choisi et on meurt sans l'avoir choisi. 

Mais, me direz-vous, quand on se suicide, c'est un choix !

Tout à fait. C'est le choix de se tuer, qui doit être distinguer du fait (qui n'est pas un choix) de mourir. La preuve que les deux sont différents : certains choisissent de se tuer, et ne réussissent pas à mourir. Ils se retrouvent coincés dans un fauteuil roulant sans aucun moyen de mettre fin à leurs jours, où ils végètent jusqu'à ce qu'une mort naturelle les emporte.

Donc parler de "droit de mourir" est un abus de langage. Mourir n'est pas un droit, c'est une obligation : on DOIT mourir, qu'on l'accepte ou non. Et rarement à la date qu'on aurait choisi si on avait eu le choix.

Donc les associations ne devraient jamais parler de "droit de mourir" mais uniquement de "droit de se tuer". Et comme on ne peut jamais être sûr du résultat, ils devraient plutôt parler de "droit à la tentative de suicide" ou de "droit à la recherche de la mort", de même que la déclaration d'indépendance des Etats-Unis parlent de "droit à la recherche du bonheur", sans garantir qu'on obtiendra ce qu'on recherche.

Quant à savoir si on a le droit d'essayer de se tuer, c'est un autre sujet que je n'aborderai pas ici.

09 mai 2014

Qui faut-il croire ? Notre propre expérience, ou la parole des experts ?

Il y a parfois contradiction entre le savoir que nous tirons de notre expérience directe et la parole des experts.

Prenons trois exemples :
1/ Les causes de l'obésité ;
2/ La manière dont les petits enfants se voient ;
3/ La liberté humaine.

Si vous avez trop mangé, et si vous avez déjà été trop gros, vous savez POURQUOI vous l'avez été. Vous étiez trop gros parce que vous mangiez trop et vous mangiez trop parce que ça fait plaisir, ça comble un manque, etc., et aussi parce qu'il est plus facile de céder à la tentation d'un belle tarte au citron recouverte de meringue que d'y résister.

Si vous avez déjà vécu avec des petits enfants, vous savez qu'ils sont très trouillards, et qu'il suffit d'une ombre, d'une feuille d'herbe, de n'importe quoi d'imprévu pour leur faire peur.

Si vous être un être humain, vous savez que vous êtes confronté à des choix, et que vous essayez de faire les meilleurs choix possibles. Vous savez donc que vous êtes libre.

Mais voilà, les experts disent autre chose...

Ils prétendent que l'obésité est une vraie maladie, maladie aux causes mystérieuses et probablement génétiques (rien à voir avec le fait qu'on mange trop, donc, et rien à voir non plus avec le fait qu'il est plus agréable de manger que de jeûner...)

Ils prétendent que les petits enfants se croient tout-puissants et se prennent pour Dieu. Ils n'ont donc pas peur. (L'idée selon laquelle Dieu aurait peur est assez ridicule.)

Ils prétendent que nous, êtres humains, ne sommes pas libres mais sommes totalement déterminés par des forces qui nous dépassent. Nous n'aurions donc pas le choix.

Quand notre propre expérience entre ainsi en contradiction avec la parole des experts, il y a trois possibilités :
1/ Vous faites confiance à votre expérience et vous rejetez la parole des experts ("ce sont des crétins qui racontent n'importe quoi")
2/ Vous faites confiance aux experts et vous rejetez votre propre expérience ("Ils savent mieux que moi, après tout ce sont des experts. Qui suis-je pour les contredire ?")
3/ Vous restez dans le doute : sans être complètement convaincu par leur point de vue, vous ne vous fiez plus au vôtre.


Sommes-nous libre ? Et si oui, pourquoi est-ce que certains pensent le contraire ?

Oui, nous sommes libres, c'est pour cela que nous nous sentons coupables quand nous faisons quelque chose de mal, contents et fiers quand nous faisons quelque chose de bien, pour ça que nous hésitons entre plusieurs possibilités (nous hésitons parce que nous avons le choix), et pour ça aussi qu'il y a des procès (on considère que les criminels auraient pu s'abstenir), pour ça que certaines personnes sont dissuadées de faire certaines choses par certaines craintes et par certains arguments, ou convaincues de faire d'autres choses par certains espoirs et certains arguments, etc.

Personne ne chercherait à persuader personne d'agir de telle et telle façon si nous n'étions pas libre, puisque dans ce cas, ça ne servirait strictement à rien.

Personne ne chercherait à vendre quoi que ce soit à qui que ce soit si nous n'étions pas libre, si nous n'avions pas le choix d'acheter ou non.

Bref, les preuves de notre liberté sont absolument partout... à la fois en nous et autour de nous. Le fait même que vous lisiez ces lignes, c'est un choix non ? vous pouvez si vous le voulez lire autre chose, ou ne rien lire.

et si nous n'étions pas libre, la différence entre "pays libre" et "dictature" serait nulle, puisque dans les deux cas, nous ne serions que des robots obéissant docilement à nos gènes, conditionnement, etc.

Donc la vraie question n'est pas : "sommes-nous libre ?"

mais : "pourquoi est-ce que tant de gens croient que nous ne sommes pas libres ?"

Ce n'est pas parce qu'ils ont constaté qu'ils ne l'étaient pas. Ils constatent tous les jours qu'ils le sont, puisque tous les jours ils sont confrontés à des choix et ils font des choix, comme tout le monde.

C'est parce que la psychiatrie, et pour commencer WUNDT, les a convaincus que l'homme n'est pas libre.

Avant WUNDT, il y a eu LUTHER, qui a écrit un traité "du serf arbitre", mais c'est WUNDT qui a changé les mentalités...

La fin justifie-t-elle les moyens ?

En réponse à un commentaire, voici quelques éléments de réflexion sur cette question fondamentale...

Primo, précisons un peu de quoi nous parlons : quand on se pose la question de savoir si la fin justifie les moyens, on ne se demande si le but d'obtenir un examen justifie le fait de travailler dur pour l'obtenir. En effet, il n'y a rien d'intrinsèquement immoral dans le fait de travailler pour obtenir ses examens. (C'est même plutôt moral !)

Le verbe "justifie" signifie "rendre juste".

Une action qui est en elle-même INJUSTE se retrouve-t-elle justifier quand le but est valable ?

Telle est la question...

Mais on peut penser (à bon droit) que poser ainsi, la question est encore trop vaste.

En effet, il est clair pour tout le monde (sauf pour Kant), que mentir pour sauver la vie de quelqu'un - par exemple en envoyant la personne qui veut le tuer sur une fausse piste - est non seulement légitime, mais BIEN.

Donc oui, dans certains cas, la fin justifie les moyens...

Mais la vraie question est plus précise. La vraie question qui se cache derrière la question générale "est-ce que la fin justifie les moyens ?", c'est :

Est-ce qu'une fin, quelle qu'elle soit, peut justifier le viol, la torture et/ou le meurtre de personne(s) innocente(s) ?

A cette question, il ne suffit pas de dire que, dans la réalité, les gens font des choses horribles pour des buts prétendument noble, car on ne peut pas dériver un principe moral d'un fait, même les conséquentialistes sont obligés d'en convenir !

La question n'est pas de savoir si les gens font des choses horribles pour des fins qu'ils jugent excellentes, ou peut-être même qui sont excellentes, car ça arrive tous les jours, mais est-ce qu'ils ont le DROIT de le faire ? Est-ce que c'est JUSTE ? Est-ce que c'est BIEN ?

Est-ce que certaines fins justifient complètement, rendent entièrement légitimes, le meurtre d'innocents ?

Les conséquentialistes répondent oui. Pour eux, torturer un enfant est légitime, si c'est pour en sauver mille.








Encore les conséquentialistes...

Encore des considérations sur ces philosophes qui se font appeler "conséquentialistes" et que je considère pour ma part comme des petits machiavels, moins la sincérité. A vrai dire, je les trouve même pire que Machiavel, mais bon ça se discute.

Un lecteur de ce blog résume ici parfaitement le point de vue conséquentialistes :

"Une expérience de pensée a pour objectif de mettre en évidence une problématique particulière. S'agissant du dilemme du tramway, il convient d'abord de rappeler qu'il consiste en deux situations distinctes. Dans une première situation, un tramway arrive et menace de tuer une personne ou cinq personnes, selon la voie sur laquelle il est aiguillé. Dans cette première situation, la plupart des gens choisissent sans difficulté d'aiguiller le tramway vers la personne seule, pour sauver les cinq autres. Dans la seconde situation, un tramway arrive et menace également de tuer cinq personnes attachées aux rails, tandis qu'un homme obèse et d'un poids suffisant pour faire dérailler le tramway, se trouve sur un pont surplombant la voie. Dans cette seconde situation, la plupart des gens répugnent à pousser l'homme obèse. La question étant : pourquoi ? Dans l'un et l'autre cas, il y a bien le meurtre d'un innocent et la sauvegarde consécutive de cinq autres."

Primo, il est important de faire la différence entre les 2 situations en terme de réalisme. 

Une situation est réaliste (celle du train à dévier ou non) tandis que l'autre est complètement invraisemblable (comment pourrait-on être sûr que l'homme va arrêter le train ? est-ce que, dans la réalité, un homme a déjà arrêté un train par sa masse ? ça m'étonnerait. Donc en réalité dès le départ toute l'hypothèse s'écroule, puisque celui qui pousserait l'homme gros commettrait un meurtre pour rien... et je ne pense pas qu'il bénéficierait de circonstances atténuantes - sauf bien sûr si le jury était composé de philosophes conséquentialistes !)

La première situation est possible, l'autre est (telle qu'elle est présentée) aussi fictive qu'un roman de science-fiction.

Mais admettons qu'on puisse comparer une situation possible avec une situation impossible... 

Dire qu'il s'agit de la même chose c'est faire l'impasse (comme les conséquentialistes le font en effet) sur la notion absolument cruciale en morale de responsabilité.

Supposons par exemple que l'individu qui a poussé l'homme sur les rails soit jugé lors d'un procès. La famille de la victime l'accuse de l'avoir tué. Que va dire le jury ? Oui, effectivement, il a assassiné un innocent, sous le prétexte ou si vous préférez la raison qu'il voulait en sauver d'autres. Mais comme le bien n'efface pas le mal, le fait de sauver cinq personnes ne donne pas le droit d'en tuer une autre. 

(A noter que certaines personnes qui pratiquent la magie et les sacrifices humains raisonnent de cette manière : elles tuent d'un côté, puis pour rétablir un quelconque équilibre karmique, elles font des dons importants à des organisations caritatives... ce sont des conséquentialistes à leur manière, qui croient que l'important, c'est que l'un dans l'autre on fasse autant de bien que de mal, ou plus de bien que de mal.)

Supposons maintenant que l'individu qui a dévié le train soit jugé lors d'un procès. La famille de la victime l'accuse de l'avoir tué. Que va dire le jury ? Que, compte tenu des circonstances, il a fait ce qu'il a pu. Et, surtout, que la personne qui est la plus directement responsable de sa mort, c'est le mécanicien qui ne s'est pas occupé de vérifier les freins du train. 

Autrement dit, la responsabilité n'est pas du tout la même.

Dans un cas, le responsable de la mort de l'homme, c'est indiscutablement l'homme qui l'a poussé.
Dans un autre cas, le responsable de la mort de l'homme, c'est plutôt celui qui n'a pas réparé les freins et/ou qui les a sabotés. L'homme qui dévie le train a cherché à sauver les cinq hommes, il n'a pas cherché à tuer l'homme seul ; l'homme qui pousse le gros homme a cherché (soi-disant) à sauver les cinq hommes en TUANT le gros homme. 

Autrement dit, les intentions et donc les responsabilités ne sont pas les mêmes dans les deux cas.

Dans le premier cas, on a quelqu'un qui fait de son mieux compte tenu des circonstances (celui qui dévie le train). Il n'a l'INTENTION de tuer personne. Son intention est d'éviter la mort de cinq personnes. Et dans la mesure où il ne veut tuer personne, il n'a pas commis de meurtre. A la limite, il a commis un homicide involontaire, mais compte tenu des circonstances, tout le monde comprend son geste et il est acquitté.

Dans le deuxième cas, on a quelqu'un qui VEUT tuer quelqu'un. L'intention de meurtre est évidente. En poussant cet homme sur la voie, il a commis un meurtre. Il en est responsable, autrement dit coupable.

Les conséquentialistes s'efforcent par tous les moyens de gommer la notion cruciale de responsabilité, et pourquoi ? Pour légitimer (sous certaines conditions dans un premier temps, puis sous de moins en moins de conditions, enfin c'est ce que je me permets de supposer) le meurtre de personnes innocentes.

J'attire aussi votre attention sur l'arrogance des conséquentialistes, qui prétendent mieux savoir que tout le monde ce qui est moral et ce qui ne l'est pas, ce qui est bien et ce qui est mal... A peu près tout le monde est d'accord pour dire que les deux situations sont différentes, mais eux savent mieux que tout le monde ! 

Autre remarque : les conséquentialistes prétendent que ceux qui ne raisonnent pas comme eux et qui se fient à leur conscience (rebaptisée par eux "intuitions morales") sont des êtres irrationnels qui se laissent manipuler par leurs émotions au lieu d'évaluer objectivement ce qui est bien et ce qui est mal.

Mais, dans leurs "expériences de pensée", ils ne se demandent jamais ce qu'on devrait faire si on était soi-même ce gros homme au-dessus du tramway. Si vraiment, ils cherchent à minimiser le mal et maximiser le bien, ils devraient aussi envisager cette hypothèse, et en conclure qu'on devrait sauter pour sauver la vie des cinq personnes.

Pourquoi, en effet, se laisser paralyser par une préférence toute émotionnelle et narcissique pour sa propre personne ?

Un vie, disent-ils, en vaut moins que cinq... donc soyons logique, soyons conséquent, et sacrifions-nous pour sauver la vie des cinq innocents.

Ah non, ça bizarrement ils n'y pensent jamais, et ils ne demandent jamais à personne d'y réfléchir. Tout ce qui les intéresse, ce sont les histoire où il "faut" tuer quelqu'un pour en sauver d'autres. N'est-ce pas bizarre ?

Encore plus significative est leur manière d'éviter systématiquement les mots "assassinat" et "meurtre". Ils trouvent toujours de gentils euphémismes (sauf quand il ne s'agit PAS d'assassinat ou de meurtre ! alors là, oui, ils parlent d'assassinat et de meurtre...)

Par exemple, dans leur histoire du chirurgien qui se demande s'il doit tuer un patient pour en sauver cinq (en leur greffant ses organes) ils évitent soigneusement le mot "tuer" et disent seulement "faut-ils qu'il prélève ses organes" ?

Autrement dit, ils cherchent toujours à gommer le fait qu'ils s'agit de MEURTRE.

Pourquoi ?

Parce que s'ils le disaient clairement, les gens refuseraient encore plus massivement de croire que c'est "bien" de tuer une personne pour en sauver cinq.

J'aimerais aussi (tant qu'à faire des expériences de pensée) qu'ils nous demandent d'imaginer le point de vue et les pensées du gros homme qu'on pousse sur la voie, au moment où il en tombe (ou après, dans l'au-delà) et aussi les pensées du patient qui surprend son médecin en train de dire à un autre médecin : "il a exactement les organes qu'il faut pour M Machin, Madame Bidule, etc. je pense qu'il faudrait les lui prélever, car en fin de compte, comme ça on sauvera cinq personnes. Une vie vaut moins que cinq."

Que penserait le patient qui est venu à l'hôpital pour se faire soigner, et qui s'aperçoit que son médecin veut le tuer ou si vous préférez le sacrifier (sans lui demander son avis bien sûr) pour sauver d'autres vies ? Que dirait-il pour faire changer son médecin d'avis ?

Si les conséquentialistes étaient de bonne foi, ils demanderaient de réfléchir à ces questions-là aussi... mais ils ont un but bien précis, qu'ils cachent sous un programme extrêmement vague "on veut faire réfléchir les gens", et ce but bien précis, c'est de rendre le mal encore plus populaire qu'il ne l'est.

06 mai 2014

La perversité des conséquentialistes

Qui sont les conséquentialistes ?

Des philosophes qui, comme la plupart des philosophes, se prennent au sérieux.

Leur spécialité : tenter de rendre la population encore plus immorale et cruelle qu'elle ne l'est déjà en faisant "réfléchir" sur des cas fictifs où il faut tuer une personne innocente pour en sauver d'autres.

C'est-à-dire qu'ils inventent, de manière complètement artificielle, des scénarios où assassiner une personne innocente sauverait la vie d'autres personnes innocentes, puis expose ces scénarios à des individus lambda en leur demandant d'évaluer moralement l'acte de quelqu'un qui, dans cette situation, tuerait pour sauver.

En quoi c'est une manière de cultiver la cruauté et l'indifférence des gens ?

Parce que le contexte fictif n'est là que pour permettre d'apprivoiser l'idée que tuer une personne innocente, c'est parfois une excellente idée.

Après, les gens oublient l'historiette qui a servi de support à cette conclusion, et gardent seulement la "morale" : tuer un innocent, parfois, c'est une bonne action...

La subtilité et la perversité de la démarche ne vous saute peut-être pas aux yeux. Alors prenons un exemple pour voir comment les conséquentialistes s'y prennent.

Un tramway va écraser cinq personnes sur une voie. Au-dessus de la voie, se trouve un gros homme qui, s'il tombait, arrêterait le tramway. Faut-il pousser le gros homme pour sauver les cinq personnes ?

La plupart des gens répondent à bon droit : NON.

Les conséquentialistes répondent OUI et aimeraient que tout le monde réponde OUI en coeur avec eux. (Ce sont de gros pervers, plus gros que l'homme censé arrêté le train par sa masse.)

Mais cette histoire est non seulement inventée et improbable, mais psychologiquement incohérente. Pire qu'invraisemblable : absurde.

En effet, si Gérard pense à pousser le gros homme, c'est qu'il est dans un état d'esprit propice à ce type d'idée - un état d'esprit qui n'est PAS celui d'un sauveteur mais d'un tueur. Autrement dit, si cette idée de pousser l'homme sur les rails lui traverse l'esprit, ce ne sera certainement pas pour sauver les cinq personnes, mais plutôt pour que le bain de sang soit plus complet, le massacre plus grandiose. Si Gérard pousse l'homme, ce sera pour qu'il y ait un mort de plus, et pas cinq morts de moins.

Et si Gérard chercher à sauver les cinq personnes, il sera dans l'état d'esprit "sauveteur", et ne pensera absolument pas à pousser l'homme sur les rails. Il pensera à appeler à l'aide, peut-être même s'il est vraiment très très altruiste à se jeter lui-même sur les rails pour arrêter le train, mais l'idée de tuer quelqu'un ne lui traversera pas l'esprit, même un quart de seconde.

L'état d'esprit "sauveteur" et l'état d'esprit "tueur" sont diamétralement opposés. Des années-lumière les séparent l'un de l'autre. Il est donc IMPOSSIBLE que, dans la situation imaginée, la même personne pense (dans un intervalle de quelques secondes à peine) à la fois à sauver les cinq personnes et à tuer le gros homme, même si c'est théoriquement pour sauver les autres.

Moralité : les conséquentialistes qui ont inventé cette histoire débile ne sont pas du genre à sauver cinq personnes. Ils sont du genre à pousser quelqu'un sur la voie quand le tramway arrive. S'ils n'étaient pas de ce genre, ils auraient des passe-temps plus constructifs.