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les 20 premières pages du TRESOR
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LA LETTRE BLEUE
(Chaque matin, une citation commentée par Lucia Canovi)


 

28 juillet 2006

Pourquoi ne trouve-t-on que ce que l'on cherche ?

Ce n'est pas une règle absolue, mais en général, on ne trouve que ce que l'on cherche. Car même si on trébuche sur quelque chose de très précieux, si on n'a pas cherché ce quelque chose, il y a de forte chance qu'on se relève, qu'on s'époussette, et qu'on continue sa route comme si de rien n'était.

En effet, on ne mesure pas la valeur de ce qu'on n'a jamais cherché.

Qui sait ce que vaut l'argent ? Ceux qui en manque et qui peinent pour l'obtenir. Qui sait ce que vaut la vérité ? Ceux qui la cherchent et peinent à la trouver. Qui sait ce que vaut l'amour ? Celui qui a été privé de câlin quand il était enfant, et qui a cherché partout le sentiment doux et chaud qui lui a manqué petit.

Donnez un trésor à quelqu'un qui n'a jamais cherché aucun trésor, et il le laissera là - croyant que si on le lui offre gratuitement, c'est qu'il ne s'agit que de pacotille sans valeur. Ou peut-être qu'il jugera que le poids du trésor, qu'il devrait ramener chez lui sur son dos, est trop lourd pour lui...

Les mensonges auxquels on croit : des indice pour les détecter

Il n'y a malheureusement pas de critère évident qui permette de distinguer la vérité de l'erreur. Cependant, certains signes et indices peuvent mettre sur la voie...

Si l'on mettait face à face, pour un combat équitable, la vérité et le mensonge, il est quasiment certain que la vérité triompherait. En effet, la vérité est en adéquation avec le réel et l'explique : sa cohérence, sa pertinence, son adéquation totale avec le réel, font sa force. Le mensonge par contre est en décalage avec la vérité comme avec le réel - ce qui le rend fragile comme un décor de théâtre. L'examiner de près, c'est dévoiler la supercherie.

Le mensonge ne survit donc que grâce à des effets spéciaux (et spécieux) : éclairage sélectif, pénombre savamment entretenue, effets d'optique et trompe l'oeil... Il ne supporte pas la lumière du grand jour, qui révèlerait tous ses trucs.

Si - donc - on ressent par rapport à une certaine croyance qu'on héberge une impression de confusion, de pénombre et de mystère tenace, il y a de forte chance que cette croyance en question soit mensongère, ou partiellement mensongère.
Si, de plus, on s'aperçoit qu'on est incapable d'expliquer clairement cette croyance à quelqu'un, ou qu'on se sent stressé, angoissé, à l'idée de la présenter au grand jour... c'est peut-être qu'on sent confusément qu'elle ne résisterait pas à la lumière, étant l'enfant de l'ombre et du trucage.

Lorsqu'expliquer la croyance mise sur la sellette déclenche confusion mentale et angoisse, on tient là un indice précieux : cette idée est très probablement de la fausse-monnaie qu'on prend pour de l'or.

Mais il y a un autre indice tout aussi révélateur et significatif. C'est la colère et le refus d'en discuter. Le fait de s'emporter, d'insulter celui qui ose ne pas partager une croyance que l'on possède, ou plutôt qui nous possède, est un signe presque certain que l'idée en question n'est qu'une chimère.
Si l'autre reste calme et courtois, et que le simple fait qu'il contredise notre opinion nous rend amer et furieux, prêt à lui cracher rageusement à la face, il y a de forte chances que cette opinion si précieuse, cette "vérité" auquel on s'accroche, n'est qu'un mensonge, un mirage.

En effet, si l'on se sentait dans son fort intérieur sûr de la vérité de sa croyance, on en discuterait calmement, sans craindre que l'autre puisse nous la faire perdre par ses arguments.
Refuser de discuter (quand l'autre est de bonne compagnie et ne fait pas preuve d'agressivité), c'est avouer sa faiblesse, ou plutôt, avouer la faiblesse misérable de ce à quoi on croit.

Le propre d'une discussion, c'est de faire bouger les idées : si l'idée n'est qu'une idole de verre, il suffit de la déplacer pour qu'elle se brise. C'est pour cela qu'on se sent si mécontent, si furieux, lorsque que quelqu'un porte la main sur ce "trésor" fragile et illusoire que l'on chérit.

Un sens à sa vie : faut-il le "donner" ou le "trouver" ?

Donner un sens à la vie, donner un sens à sa vie, trouver le sens de la vie, trouver le sens de sa vie... Mine de rien (ou mine de quelque chose), toutes ces expressions ne sont pas du tout équivalentes.

1/ Donner du sens à la vie, suppose que la vie n'en a pas à la base - car si elle en avait déjà un vrai, il n'y aurait aucun intérêt à lui en donner un autre, inévitablement moins authentique que le premier. Si l'on peut, ou si l'on doit "donner un sens à la vie", c'est que la vie est absurde. Cette absurdité douloureuse, insupportable, doit être masquée par une couche de peinture - de sens - pour devenir supportable.

Conseiller ou se conseiller de "donner un sens à la vie", c'est donc répondre - déjà - à une question existentielle fondamentale : la vie a-t-elle un sens ?...
Non, elle n'en a pas - et c'est pour ça qu'il faut s'efforcer de lui en rajouter un, comme on rajouterait une couronne de roses à une tête de mort, pour rendre son rictus moins déplaisant.

2/ Donner un sens à sa vie. Cette expression ressemble beaucoup à la première, mais elle part d'un constat un peu différent. Le constat que ma vie à moi (et non la vie en général) n'a pas de sens... Et qu'il faut y remédier. La grande question : comment ?

3/Trouver le sens de sa vie. Cette fois-ci, on suppose que ce qui semble absurde à première vue, ne l'est pas. Le sens existe... mais on ne l'a pas encore découvert. Là encore, toute la difficulté est dans le comment ?
La plupart des gens qui sentent que le sens de leur vie leur échappe, se précipitent vers un autre métier ou une psychanalyse pour résoudre le problème. C'est peut-être mettre la charrue avant les boeufs.
Comment pourrait-on trouver le sens de sa vie, tant qu'on ne connaît pas le sens de la vie ?... L'individu moderne oublie qu'il n'est qu'un échantillon d'humanité.

4/Trouver le sens de la vie : on ne peut comprendre le cas particulier que lorsqu'on a saisi la règle générale. Pour comprendre un être humain singulier, noeud bien spécifique de problèmes, il faut déjà comprendre ce qu'est l'humanité.
L'ambition de se connaître soi-même, qui est grande, belle et légitime, oublie souvent qu'on n'identifie pas un récipient en l'explorant seulement de l'intérieur. Pour savoir s'il s'agit d'une théière, d'un bol ou d'un pot de chambre, il faut en sortir et le voir du dehors de manière objective.
Pour se connaître, l'introspection ne suffit pas : il faut aussi de l'exspection - le mot existe au moins ici.

Pour trouver le sens de sa vie - cas spécifique - il faut donc commencer par trouver le sens de la vie - loi générale. Or... On ne trouve que ce que l'on cherche. Et pour chercher quelque chose, il faut d'abord croire à son existence : personne ne cherche de licorne, hormis ceux qui croient à leur réalité.

Pour trouver le sens de la vie (grâce auquel on pourra connaître le sens de sa vie), il faut donc commencer par croire que la vie a un sens bien réel, un sens "objectif" et connaissable... même si on ne le connaît pas encore.

27 juillet 2006

La naïveté

La naïveté est plutôt mal vue, à notre époque. Le mot lui-même évoque quelque chose d’un peu bébête. Je me rappelle, lors d’une circonstance bien précise, m’être fait rabrouée avec hauteur pour ma « naïveté » intellectuelle par une spécialiste (il s’agissait de langage, justement).
Mais c’est quoi, la naïveté ?

Etymologiquement, c’est une caractéristique, ou une qualité, qui est de naissance : naïveté vient de naïf, qui vient de nativus.

La naïveté, c’est cette qualité précieuse qui fait que les enfants posent des questions si pertinentes… alors que les adultes n’en posent plus, quoi qu’ils n’aient pourtant pas trouvé les réponses.

Le fait de se questionner, et de questionner les autres, de chercher les « pourquoi », est naïf.

Le fait de garder un air entendu et un silence prudent, faussement informé (du genre « je sais, je sais ») dans des circonstances étranges où l’on ne comprend rien, est le contraire de la naïveté. Ainsi de Perceval, lorsque le Graal passe devant lui : la scène est extrêmement bizarre et pourtant, il ne pose aucune question. C’est pourquoi il échoue dans sa quête initiatique.

Voici le passage du roman de Chrétien de Troye :

« Tandis qu'ils parlaient de choses et d'autres, un jeune valet, qui porte une lance blanche qu'il tient par le milieu, sort d'une chambre ; il passe entre le feu et ceux qui étaient assis sur le lit. Tout le monde pouvait voir la lance blanche et l'éclat de son fer. Il sortait une goutte de sang à la pointe de la lance et cette goutte vermeille coulait jusqu'à la pointe. Le jeune Perceval qui vient d'arriver en ces lieux voit ce spectacle surprenant mais il se retient de demander comment cela peut se produire, car il se rappelle la recommandation de celui qui lui a appris la chevalerie : il faut se garder de trop parler. Il a donc peur, s'il pose une question, qu'on le trouve grossier et c'est pour cette raison qu'il ne demande rien. […] Perceval vit passer les jeunes gens mais il n'osa pas demander qui l'on servait dans ce graal, car il pensait toujours à la recommandation du sage seigneur. J'ai bien peur que le mal ne soit déjà fait, car j'ai souvent entendu dire qu'on peut parfois trop se taire, tout comme on peut parfois trop parler. Mais cependant, le jeune homme ne leur pose aucune question, ni pour son bien, ni pour son malheur. […] Pendant ce temps, le graal traversa encore la salle devant eux - le jeune homme ne demanda pas qui l'on servait avec ce graal. Il s'en gardait à cause du seigneur respectable qui lui avait conseillé de ne pas trop parler : ce conseil lui reste en mémoire, il ne cesse d'y penser. Mais il est plus silencieux qu'il ne devrait l'être. À chaque mets que l'on apporte, il voit le graal repasser juste devant lui, sous ses yeux, mais il ne sait pas à qui il sert. Il voudrait bien le savoir et il se dit qu'il demandera, avant de partir du château, à l'un des serviteurs de la cour. Mais il préfère attendre le lendemain matin, quand il quittera son hôte et tout son entourage. Il remet sa question au lendemain et il s'occupe seulement de bien manger et de bien boire. D'ailleurs, il ne regrette rien parce qu'on sert à la table des mets et des vins tous aussi délicieux que plaisants. »

Le jeune Perceval, un peu trop civilisé par les conseils de prudence et de politesse qu’on lui a prodigué, a donc perdu sa naïveté première : il s’interroge dans son for intérieur, mais ne pose pas de question. Au lieu d’interroger naïvement, il profite du repas. C’est ce qui lui fait rater une opportunité unique – et des opportunités exceptionnelles, on n’en a parfois qu’une seule dans sa vie.
Lorsqu’on la rate, on rate tout.

La crédulité est un défaut, mais la naïveté n’en est pas un. Au contraire : elle est intimité, contact avec la saine nature, avec le bon sens interrogatif et chercheur, questionneur, de l’enfance.
Perdre sa naïveté, ce n’est pas gagner en intelligence ou perspicacité, mais gagner en cynisme, en frilosité peureuse, effrayée (par le jugement des autres), en indifférence apathique, anesthésiée : perdre sa naïveté, c’est perdre.

Heureusement, la naïveté se retrouve, et ce n’est pas parce qu’on s’en est éloigné un temps qu’on ne peut pas renouer avec elle.

Crédule, l’enfant croit tout ce qu’on lui raconte –c’est sa faiblesse.
L’adulte se croit très malin, et cherche souvent la vérité dans ce qui lui paraît compliqué, mystérieux ou paradoxal, contradictoire… Autrement dit, l’adulte cherche souvent midi à minuit – c’est sa faiblesse.

L’idéal serait de chercher à comprendre comme un enfant, et d’examiner les réponses que le monde et les autres nous propose, avec un sens critique d’adulte.

Chercher le sens de la vie ou faire la vaisselle ?

Faut-il cultiver son jardin ou chercher le sens de la vie ? Certains choisissent sans le moindre état d’âme de se consacrer corps et âme à la mise en valeur de leurs bégonias et tomates - ou de tout ce qui peut en tenir lieu dans une existence… Cela va de la planification des vacances à la construction d’une maison achetée à crédit, en passant par celle d’une Tour Eiffel en allumettes.

Pour ces gens-là, l’important c’est les détails. Faire la vaisselle, et tout ce qui s’ensuit, est l’essentiel. Et, aussi étonnant que cela puisse paraître quand on ne fonctionne pas comme eux, ils semblent heureux comme ça.

Et puis il y un autre type de personnalité. Pour ceux-là, l’essentiel est une démangeaison, une absence, un manque cruel, un vide douloureux qu’ils comblent comme ils peuvent : par des rêves, des lectures et des films, des projets grandioses et irréalistes, de l’alcool, des rires un peu grinçants, une quête de sexe ou d’impossible…

Ceux-là cherchent le sens de la vie, même s’ils ne savent pas où chercher ni comment chercher. Et lorsque les autres secouent la tête avec une compassion un peu condescendante devant le chaos qu’ils font de leur existence, ils n’ont rien à objecter, rien à répondre – un peu comme le vilain petit canard ne trouve rien à répondre à la poule et au chat. Je cite le passage du conte d’Andersen, car il est plein d’humour et d’enseignement :
Le caneton resta à l'essai, mais on s'aperçut très vite qu'il ne pondait aucun oeuf. Le chat était le maître de la maison et la poule la maîtresse. Ils disaient: «Nous et le monde», ils pensaient bien en être la moitié, du monde, et la meilleure. Le caneton était d'un autre avis, mais la poule ne supportait pas la contradiction.
--Sais-tu pondre? demandait-elle.
--Non.
--Alors, tais-toi.
Et le chat disait:
--Sais-tu faire le gros dos, ronronner?
--Non.
--Alors, n'émets pas des opinions absurdes quand les gens raisonnables parlent. Le caneton, dans son coin, était de mauvaise humeur ; il avait une telle nostalgie d'air frais, de soleil, une telle envie de glisser sur l'eau. Il ne put s'empêcher d'en parler à la poule.
--Qu'est-ce qui te prend, répondit-elle. Tu n'as rien à faire, alors tu te montes la tête. Tu n'as qu'à pondre ou à ronronner, et cela te passera.
--C'est si délicieux de glisser sur l'eau, dit le caneton, si exquis quand elle vous passe par-dessus la tête et de plonger jusqu'au fond!
--En voilà un plaisir, dit la poule. Tu es complètement fou. Demande au chat, qui est l'être le plus intelligent que je connaisse, s'il aime glisser sur l'eau ou plonger la tête dedans. Je ne parle même pas de moi. Demande à notre hôtesse, la vieille paysanne. Il n'y a pas plus intelligent. Crois-tu qu'elle a envie de nager et d'avoir de l'eau par-dessus la tête?
--Vous ne me comprenez pas, soupirait le caneton.
--Alors, si nous ne te comprenons pas, qui est-ce qui te comprendra! Tu ne vas tout de même pas croire que tu es plus malin que le chat ou la femme... ou moi-même! Remercie plutôt le ciel de ce qu'on a fait pour toi. N'es-tu pas là dans une chambre bien chaude avec des gens capables de t'apprendre quelque chose ? Mais tu n'es qu'un vaurien, et il n'y a aucun plaisir à te fréquenter. Remarque que je te veux du bien et si je te dis des choses désagréables, c'est que je suis ton amie. Essaie un peu de pondre ou de ronronner!
--Je crois que je vais me sauver dans le vaste monde, avoua le caneton.

Tu es complètement fou…
Ce que tu dis est absurde…
Tu n’as qu’à pondre ou ronronner (ou faire du sport, faire le régime, avaler un cachet, te prendre en main, etc.) et ça te passera…

Refrain connu, que les personnes pour qui l’essentiel n’est pas de faire la vaisselle ont entendu souvent. Mais à la différence du vilain petit canard, qui lui connaît ce dont il a la nostalgie, ceux qui souffrent de ne pas connaître le sens de leur vie ignorent ce qui leur manque. Ils ont bien une nostalgie, mais une nostalgie indistincte, vague : souvenir effacé par l’amnésie d’un absolu océanique, pur et frais – d’un renouvellement, d’une origine perdue – d’un quelque chose d’infiniment plus grand que les assiettes à laver, d’infiniment plus fort que tous les égoïsmes et volontés des hommes.

Et c’est précisément cette ignorance qui fait leur faiblesse face à toutes les « poule » et tous les « chats » du monde, qui eux réussissent fort bien dans leurs spécialités. Les animaux domestiques ne souffrent pas de leur ignorance : le sens de la vie ne les intéresse pas, tout simplement. Ils n’ont pas le temps, ils ont des choses plus importantes à faire (pondre, ronronner), des problèmes plus fondamentaux à résoudre : à quelle heure la fermière apportera le grain ?… Y aura-t-il du lait à laper ce soir ?… A quand les prochains poussins ?…

Les vilains petits canards du monde humain ont la nostalgie d’un quelque chose qu’ils ignorent, d’un quelque chose qui leur manque, et dont l’absence creuse le centre de leur âme, la laissant vide et désolée comme une maison en ruine. Ce gouffre intérieur qui les fascine et où il tombe parfois, les laisse complètement démuni devant la vaisselle à faire. Ils savent, ou du moins ils sentent, qu’il y a bien plus important que les mille et une corvées de la vie quotidienne – même s’ils ne savent pas dire ce que c’est précisément.

Ils sont très motivés pour chercher le sens de leur vie – mais ils ne savent pas où chercher et personne ne leur montre le chemin.

Alors… chercher le sens de la vie ou faire la vaisselle ?

Chercher le sens de la vie et faire la vaisselle, car même lorsque tous les nœuds seront dénoués et toutes les questions, résolues, il y aura encore une vaisselle à faire.

24 juillet 2006

La vie est-elle un voyage touristique ?

Dans un voyage touristique, ce qui compte ce n'est pas l'arrivée (puisque c'est juste un retour au point de départ) mais simplement le trajet, les monuments à visiter, les explications à écouter, les paysages à admirer. On se distrait, on s'instruit un peu, on admire et c'est tout.

Si la vie est un voyage touristique, inutile de se casser la tête pour en chercher le sens - elle n'en a pas, ou juste ce qu'il faut pour ne pas s'ennuyer. Rien de plus.

Si la vie est un voyage touristique, rien n'est vraiment crucial, et les choix n'ont qu'une importance toute relative : Tour Eiffel ou Parthénon ?... Sicile ou Pays Bas ?... Au bout du compte, ça ne change pas grand chose.

Si la vie est un voyage touristique, on doit se contenter de ce qu'elle nous montre en surface sans chercher plus loin (le guide attend et il y a d'autres sites à visiter).

Si la vie est un voyage touristique, le secret du bonheur c'est de se la jouer touriste : flâneur, superficiel et moutonnier. Allons donc où les autres vont, regardons donc ce que les autres regardent, et ne pensons pas plus qu'ils ne pensent - on risquerait sinon de rater la prochaine visite guidée des remparts...

Si la vie est un voyage touristique, le plus important c'est de dépenser son énergie, son temps et son argent à voir ce que tant d'autres ont vu pour en retenir ce que tant d'autres ont retenu, c'est-à-dire rien.

Y a-t-il des preuves de l'existence de Dieu ?

Les philosophes du temps passé se sont un peu embrouillés dans leurs preuves. Il en reste une somme de textes obscurs, alambiqués, indéchiffrables, tirés par les cheveux.

Les athées convaincus en déduisent bien vite qu'il n'y a aucun argument valable qui appuierait l'existence de Dieu.

En réalité, des arguments qui tendent à prouver l'existence de Dieu, il y en a plein.

Ces arguments ne sont bien sûr pas des "preuves", en ce sens que l'on peut très bien ne pas être convaincu par eux.
Mais existe-t-il vraiment des preuves qui soient considérées comme telles par tout le monde ?... La liberté de l'être humain fait qu'il peut refuser de croire ce qu'il veut - c'est d'ailleurs ce qui fait sa grandeur... et parfois sa perte.

En cherchant bien, on trouverait certainement des gens qui ne sont pas d'accord avec 1+1=2.

Voici quelques uns des innombrables arguments en question :

- Argument par l'analogie.

Lorsqu'on voit un ordinateur, une voiture ou un avion, on sait très bien qu'ils ont été construits par quelqu'un de plus intelligent qu'eux. Même une tasse de café vide s'impose à nous comme la preuve que quelqu'un est passé par là.
Or, la moindre cellule est infiniment plus complexe que la plus complexe des usines : alors pourquoi n'en déduit-on pas qu'elle a été construite par quelqu'un de plus intelligent qu'elle ?...

Lorsqu'on voit ne serait-ce qu'un moulin à café, on sait très bien qu'il a été fabriqué par quelqu'un. On ne se dit pas que le moulin à café est issu directement d'un tronc d'arbre avec l'aide du le vent, de la pluie ou du hasard.
Alors comment se fait-il que devant des "choses" infiniment plus élaborées et complexes (les êtres vivants), on se dise qu'elles sont le résultat de la matière, du temps et du hasard ?

Logiquement, on devrait harmoniser ses réactions pour appliquer le même raisonnement à tous les systèmes complexes : croire que les boeing 747 ont été assemblé par l'évolution de la terre, l'érosion du métal, des modifications aléatoires... ou alors croire que les êtres vivants ont été créé par un être plus intelligent qu'eux, de même que les avions ont été conçu et assemblé par un être plus intelligent qu'eux.
Mais en fait, la logique un peu simplette mais très efficace que l'on utilise sans y penser dans la vie quotidienne se met sur "off" dès qu'on touche à des sujets plus métaphysiques : comme s'il y avait deux manières de raisonner.

- Argument par la probabilité zéro.

Les probabilités sont assez trompeuses, car même quand elles signifient l'impossibilité du hasard, elles ne sont jamais tout à fait nulles.
Exemple.

La probabilité qu'un éléphant se change soudain en danseuse étoile et danse "Le lac des cygnes" est certes très difficile à calculer, mais si on y parvenait, elle serait supérieure (supérieure d'un chouïa dérisoire) à un zéro tout rond. Les probabilités fonctionnent ainsi.

Or, pour qu'il y ait de la vie sur terre et qu'en particulier, nous les êtres humains y vivions, il a fallu et il continue à falloir un grand nombre de circonstances qui sont tout aussi probables que cette soudaine métamorphose d'un éléphant en danseuse. La liste de ces "conditions nécessaires mais pas suffisantes" est en réalité, infinie.
Il faut qu'il y ait du sel dans l'eau de mer...
Il faut que les nuages ne soient pas au ras du sol...
Il faut que l'eau se dilate en gelant au lieu de se contracter comme les autres liquides...
Il faut qu'il n'y ait plus de T-Rex...
Il faut qu'il y ait des plantes comestibles pour nous...
Il faut qu'il y ait de l'oxygène...
Il faut qu'on naisse avec une tête...
Il faut que la température ne soit ni trop chaude, ni trop froide...
Il faut qu'aucun météorite ne percute la terre...
Il faut que la chute des gouttes de pluie soit ralentie, freinée...
Il faut qu'il pleuve...
Il faut que l'eau existe...
Il faut que l'eau de pluie et l'eau de source soient potables... (si elle ne l'était pas on mourrait tous très vite).
Il faut qu'il existe des nourritures parfaitement adaptées à nos estomacs et nous apportant toutes les vitamines, etc., nécessaires à notre santé...
Il faut que le soleil soit à la bonne distance de la terre...
Il faut que les êtres humains aient des yeux pour la plupart...
Il faut qu'il y ait des terres fermes et pas seulement des océans...
Il faut que le coeur batte tout seul, même quand on dort...
Il faut qu'une barrière de protection filtre les rayons du soleil...
Il faut que les animaux prédateurs ne dévorent pas tous les autres animaux...
Il faut que les herbivores ne dévorent pas toutes les plantes...
Il faut que la photosynthèse existe...
Il faut l'attraction terrestre, le mouvement des planètes...
Il faut que toutes les générations précédentes sans exception aient eu une progéniture...
etc.

Chacune de ces conditions est totalement improbable, et leur conjonction à toutes est plus invraisemblable encore. Nous bénéficions d'une veine permanente qui rend notre existence possible (veine qui n'existe pas sur les autres planètes, où l'on n'a retrouvé aucune trace de vie). Cette veine miraculeuse est tout simplement impossible à expliquer par le hasard.

Croire que tous ces phénomènes bien précis qui, ensemble, rendent la vie possible sont de simples coincidences, revient à croire que la tour Eiffel a été assemblé par le vent, ou que lorsque de l'encre se renverse sur une page, les éclaboussures écrivent automatiquement un sonnet de forme régulière du plus beau style.

Dans la vie quotidienne, on constate cependant que les choses faites "par hasard" sont toujours ratées ou insignifiantes. Si on lance au hasard de la peinture contre un mur, cela ne donne jamais La Joconde.

Alors comment peut-on raisonnablement croire que des systèmes d'une complexité bien supérieure à la toile du plus grand maître, telle que par exemple la cicatrisation ou la grossesse (la liste est infinie), sont dûs au "n'importe quoi" qu'on appelle hasard ?

- Argument par le langage.

Tout le monde connait le sens du mot "Dieu", même les athées les plus athées. Ce mot existe dans toutes les langues. Ce n'est pas une preuve, certes. Mais les mots "universels" qui sont présents en toute langue désignent généralement quelque chose qui existe. Par exemple, les pronoms personnels (je, tu) correspondent bien à une réalité. Inversement, les mots qui ne correspondent qu'à un mythe, tels que "licorne" par exemple, ne se retrouvent pas dans toutes les langues.
Idem pour le "paradis" et "l'enfer", qui existent dans toutes les langues.

Le mot "créature" implique l'existence d'un créateur.

Il pleut, il fait soleil, il fait beau... C'est qui ce "il" qui décide du temps qu'il fait ? L'expression métaphorique "il fait la pluie et le beau temps" désigne une personne ayant tout pouvoir sur son environnement. A quoi correspond le "il" qui fait littéralement la pluie et le bon temps ?...

A de nombreuses questions, on ne peut répondre que par "Dieu", ou par un vague gargouillis de désaccord inarticulé. Par exemple :
Qui m'a donné des mains ?
Qui m'a donné des dents ?
Qui m'a donné des jambes ?...
Qui m'a donné une tête pour raisonner ?...
Dire que c'est "maman" n'est pas une réponse très convaincante, car si c'était maman qui m'avait donné tout ça, elle aurait décidé à l'avance de la couleur de mes yeux, de ma taille, de mon intelligence... bref de tout. De plus, elle pourrait expliquer comment elle m'a fabriqué (en commençant par une oreille, puis un pied, etc.)

- Argument - moins convaincant je l'avoue - par l'autorité et le nombre.

Des gens très bien (Moïse, Jésus, Abraham, Einstein...) ont cru que Dieu existe. Actuellement, le nombre de croyants dans le monde est supérieur à plusieurs milliards. Oui, c'est vague, mais je n'ai pas réussi à trouver plus précis.

- Argument par l'absurde.

Si Dieu n'existait pas, la théorie de l'évolution serait vraie, et l'on aurait retrouvé des milliards de "chaînons intermédiaires" entre les différentes espèces. On n'en a retrouvé aucun.
Si Dieu n'existait pas, il suffirait de laisser mijoter de la boue pendant un certain temps pour qu'en jaillisse, par la magie de l'évolution, toute sorte d'animaux.
Si Dieu n'existait pas, il y aurait de la vie sur toutes les planètes et non sur une seule.
Si Dieu n'existait pas, il n'y aurait aucune "loi de la nature", puisqu'une loi est toujours fondée par quelqu'un.
Si Dieu n'existait pas, la question de son existence ou inexistence ne serait pas si fondamentale.

Tout ceci étant dit, l'être humain est libre de croire ce qu'il veut. Lorsqu'on choisit en toute conscience, en toute connaissance de cause, de ne pas croire en Dieu - il n'y a vraiment plus rien à discuter... Chacun sa route, chacun son chemin.

Le supermarché des croyances

Les tenants du développement personnel et de la pensée positive proposent souvent, comme une chose toute naturelle, de changer « ses scénarios de croyance ». Vous croyez que vous êtes laid, faible et incapable ?… Changez de croyance ! Vous pensez que la vie est dure et que vous n’allez pas y arriver ?… Changez de croyance !

Le problème, c’est qu’on n’a pas adopté ses croyances comme ses chaussettes, en prenant en compte leur prix et leur texture plus ou moins confortable : on n’a pas choisi ses croyances comme on choisit un produit dans un supermarché. Le processus est entièrement différent. Ce qui fait qu’on ne peut pas s’en débarrasser, ou les échanger, juste parce qu’on le souhaite, ou même parce qu’on l’a fermement décidé.

Pour comprendre comment changer ses croyances, il faut comprendre pourquoi et comment on les a adopté au départ – point sur lequel les tenants de la pensée positive font complètement l’impasse, ce qui explique la relative inefficacité de leur méthode.

Platon a distingué trois grandes valeurs : le beau, le vrai et l’utile. Deux de ces critères n’ont presque aucun impact sur nos croyances. On ne croit pas à une idée parce qu’on la trouve jolie ou confortable, belle ou utile. L’esprit de l’être humain ne fonctionne pas comme ça. Le grand critère déterminant du choix de croyance, pour tout être humain ou presque, c’est la vérité. On croit à ce que l’on pense être vrai ; on ne croit pas à ce que l’on pense être faux.

On ne peut donc changer ses croyances qu’à condition de s’apercevoir qu’elles sont fausses, ce qui ne peut pas se faire « comme ça », ou seulement avec l’aide du temps. Mille ans de passivité intellectuelle n’apporteront aucun changement dans nos idées. Pour se débarrasser d’une croyance, il faut prendre conscience qu’elle n’est pas fondée ; pour prendre conscience qu’elle n’est pas fondée, il faut enquêter sur elle, ou (encore mieux) enquêter sur une idée opposée et contradictoire.
C’est un grand travail de détective, de chercheur.

La pensée positive prétend qu’à force de répéter comme un mantra « tout va bien dans mon monde » on réussira à y croire. Cette façon d’appréhender l’intellect est très irrespectueuse. Le cerveau n’est pas à gaver comme une des victimes du nouvel an. Un changement profond et définitif de croyance ne sera jamais déterminé par une répétition bêtement mécanique (conformément à l’idée que lorsqu’on aura répété mille fois qu’on est génial, on y croira), mais par un processus simple et subtil, rationnel et logique : autrement dit, une prise de conscience.

Il est vrai que notre esprit est conditionné par les messages incessants de la publicité, des journaux et des films… mais ce que l’on recherche à travers le développement personnel, ce n’est pas un conditionnement de plus, mais un conditionnement de moins. Si l’on parvenait, à force de répétitions, à se convaincre soi-même de croyances « positives » mais que l’on juge illusoires, on arriverait seulement à se rendre fou. L’auto-hypnose ne représente en aucun cas une libération.