Bizarrement (ou pas), on n'entend jamais personne dire "à deuxième vue" ou "à troisième vue, je dirais que..." Le langage n'a entériné comme expression courante qu' "à première vue".
Est-ce significatif ?...
La première vue, c'est le regard frivole et superficiel qu'on jette de loin sur les choses. Si quelque chose brille - un gros faux diamant par exemple - on le verra. Sinon, non. La première vue, c'est la vision floue et négligente du myope qui a oublié ses lunettes. Sa vision du monde est tellement basique, tellement pauvre, que n'importe quelle tâche verte ayant à peu près la forme, passera toujours à ses yeux pour un arbre.
Il y a des lois naturelles, physiques, qui ont leur exact équivalent dans le monde moral. Ainsi, pour monter, il faut faire beaucoup plus d'efforts que pour descendre - et pour s'améliorer et se perfectionner au niveau moral, il faut aussi faire beaucoup plus d'efforts que pour se laisser aller à tous ses défauts.
Une autre loi physique qui trouve sa contre partie dans le monde invisible, est l'impossibilité d'identifier correctement une chose qu'on ne voit que de loin. A 100 mètres, un diamant est impossible à distinguer d'un vil éclat de verre : pour savoir à quoi on à affaire, il est nécessaire non seulement de s'en approcher, mais de l'examiner de très près.
Les joailliers ont d'ailleurs des loupes spéciales pour scruter les détails les plus infimes de leurs pierres. S'ils sont de véritables spécialistes, c'est bien parce qu'ils utilisent (à bon escient) ce type d'instrument.
Dans le monde parallèle et invisible des idées, il en est de même. Une idée n'est connue que si on l'examine de très près : à une certaine distance, impossible de savoir s'il s'agit d'un authentique rubis ou d'une perle en verre.
Les décorateurs de théâtre savent que sous les feux de la rampe, ce ne sont pas les vrais diamants qui brillent le mieux, mais les faux. Pour que l'effet soit réussi, le strass et les paillettes sont indispensables. Ce qui a l'air vrai vu de loin, est souvent ce qui est le plus faux vu de près.
Se contenter d'une "première vue", croire aux idées qui ont l'air vraies et convaincantes vues de loin, est l'équivalent psychologique de ces comportements bien connus :
- Croire que ce qu'il y a dans la boite, est ce qui est inscrit sur l'étiquette, sans vérifier en ouvrant.
- Chercher un objet qu'on a perdu non là où on l'a perdu, mais là où il y a de la lumière pour chercher, parce que c'est plus pratique.
- Prendre une route qui ne mène nulle part (ou dans les ronces) parce qu'elle est agréable et qu'elle descend.
Une question qu'il n'est pas inutile de se poser, quelle que soit d'ailleurs les circonstances, est celle-ci : est-ce que je cherche la réalité ou l'image ? la substance ou l'apparence ?...
Si l'on ne cherche que l'image, alors il ne faut pas s'étonner de ne trouver qu'elle. C'est-à-dire, un mirage. Illusion qui ne nourrit pas, ne soutient pas, et se déchire dès qu'on s'y appuie, comme un trompe l'oeil, la toile peinte d'un décor de théâtre.
Si l'on cherche la réalité par contre, alors on ne peut pas se dispenser de regarder de près, d'examiner en détail, de dépasser la zone du flou artistique pour arriver à celle de la précision et de la rigueur. Dire que les apparences sont trompeuses, c'est dire beaucoup plus qu'un lieu commun.
L'intelligence n'est pas un don inné que l'on a ou que l'on n'a pas, mais un outil que tout un chacun possède. Chaque être humain ou presque dispose de facultés rationnelles tout à fait opérationnelles.
Seulement voilà : la plupart des gens ne souhaitent tout simplement pas les utiliser. Alors ils laissent rouiller leur intelligence au garage, derrière une voiture amoureusement entretenue et une tondeuse soigneusement bichonnée, étincellante...
Se servir de son intelligence, c'est aller plus loin qu'une "première vue" paresseuse, refuser le jeux fascinant et trompeur des images pour partir en quête de la réalité occulte qui se cache derrière leur surface.
10 août 2006
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