Recevez gratuitement...
les 20 premières pages du TRESOR
+
LA LETTRE BLEUE
(Chaque matin, une citation commentée par Lucia Canovi)


 

10 août 2006

Penser par soi-même (une méthode)

Lorsqu'on a le noble projet de penser par soi-même, c'est-à-dire de se faire une opinion personnelle sur un sujet donné, que faut-il faire ?...

Il ne suffit pas de se triturer solitairement la cervelle, car cet exercice ressemble trop au mouvement circulaire du poisson rouge dans son bocal pour mener quelque part. En gros, il n'y a pas mille méthodes possibles, mais une seule : examiner les différents points de vue existants sur la question.

Facile à dire, beaucoup plus difficile à faire.

En effet, on est conditionné par les idées auxquelles on adhère déjà : conditionné à ne voir, dans le paysage environnant, que ce qui confirme, appuie, étaie... nos anciennes et respectables croyances, celles auxquelles on s'identifie au point de les prendre pour nous-mêmes.

Le début de la sagesse, a dit quelqu'un de très sage, c'est de comprendre que d'autres points de vue sont possibles.

Ce qui ne signifie pas que "toutes les pommes du panier ont exactement le même goût" ni que "toutes les opinions se valent" ou que "la vérité, ça n'existe pas..." Envisager plusieurs points de vue sur un sujet donné ne conduit pas à un relativisme nivelant, mais plutôt à des prises de conscience.

Examiner plusieurs points de vue, cela signifie concrètement en examiner au moins deux : le pour et le contre.

Le pour et le contre de l'ésotérisme ; le pour et le contre du féminisme ; le pour et le contre de la peine de mort ; le pour et le contre de... n'importe quel sujet qu'on veut explorer vraiment en profondeur pour s'en faire une opinion personnelle.

Ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air, car sur chacun de ses sujets on trouvera une masse absolument énorme de documents, textes, livres, articles, films, etc., qui vont dans un sens, et pratiquement aucun qui va dans l'autre.

Le monde étant ce qu'il est, il y a toujours un pour (ou un contre) démesuré, et un contre (ou un pour) ridiculement atrophié.

Ce qui ne signifie pas que l'opinion minoritaire qu'on va dénicher dans les recoins du net et de librairies où l'on n'avait jamais mis les pieds avant est fausse - simplement qu'elle n'est pas à la mode, qu'elle remonte le courant au lieu de le descendre.

Prenons un exemple précis : la théorie de l'évolution.

La théorie de l'évolution, tout le monde est tombé dedans quand il était petit. On y a droit à l'école, dans les musées, dans les films (les allusions qu'on y trouve dans les films américains sont innombrables, cela va de "La planète des singes" à "Voyage à travers le temps"...), les magazines. A moins de vivre dans une grotte au fin fond de l'Himalaya sans télé ni radio, on est obligé de savoir que l'Homme est le cousin germain du Singe.

On peut très bien en rester là, et s'en contenter toute sa vie. Car lorsqu'on croit à quelque chose, on ne se rend pas forcément compte qu'on y croit : on peut très bien avoir l'impression qu'on ne "croit" rien, que c'est seulement la vérité, la réalité.

L'Homme est le cousin du singe comme la terre tourne autour du soleil, ou comme l'Amérique est un continent.

Sauf que le début de la sagesse, c'est de comprendre que différents points de vue sont possibles... et le milieu de la sagesse, c'est de les examiner (quand à la fin de la sagesse, personne ne l'a encore trouvée).

Et c'est là que se dresse un obstacle de taille.

Car l'apprenti penseur qui se dit "ok, je vais me faire une opinion personnelle, je vais chercher le Contre, je vais lire ce que disent les adversaires de la théorie de l'évolution", se retrouve confronter à un noeud émotionnel assez difficile à dénouer.

Quel noeud ?...

C'est que les adversaires de la théorie de l'évolution sont (là je parle de ceux dont on peut trouver les écrits facilement en français) pour la plupart des croyants. Or, l'apprenti penseur s'il n'est pas croyant lui-même a un apriori très négatif à l'égard des croyants, qu'il soupçonne d'office d'être de mauvaise foi, de manquer d'objectivité, et d'une manière générale de ne parler que pour prêcher. Lorsqu'on est encombré par un tel préjugé, il est bien difficile de lire - et encore plus de s'ouvrir à une argumentation.

C'est pourtant indispensable lorsqu'on veut voir avec ses deux yeux.

Tant qu'on a eu accès qu'au pour (ou qu'au contre) sur un sujet donné, on ne le voit qu'avec un oeil. Pour regarder avec ses deux yeux, il est indispensable d'envisager le revers de la médaille, qui porte toujours une inscription impossible à imaginer à l'avance quand on ne regarde que le côté face : on ne peut pas deviner, ni inventer cet autre point de vue.
Pour le connaître, on doit le chercher.

Pour finir sur ce sujet de l'évolution, il y au moins un livre - le seul à ma connaissance qui soit traduit en français - d'un scientifique qui ne croit ni en Dieu, ni en la théorie de l'évolution, et qui représente une aperçu très appréciable du Contre : c'est L'évolution, une théorie en crise, du célèbre biologiste Michael Denton.

On peut le commander à cette adresse :

http://www.amazon.fr/gp/product/2080812289/402-9987942-6967350?v=glance&n=301061

Sur le chemin ardu de l'apprenti penseur (et on reste apprenti penseur toute sa vie...), se dresse donc plusieurs obstacles de taille.

- Le premier, c'est la paresse. Il est beaucoup plus facile et confortable de continuer à croire ce qu'on a toujours cru, ou de gober tout cru ce qui se raconte à la télé, que de faire des recherches et des lectures - ce qui représente du temps, de l'argent et des efforts.

- Le deuxième, c'est les émotions et l'identification affective. On est attaché émotionnellement à ce qu'on croit déjà ; on s'identifie à ses croyances au point de les prendre pour soi. Changer d'opinion - et dès qu'on se met à explorer un nouveau point de vue, c'est le risque et la chance que l'on court -, est une expérience émotionnellement destabilisante. C'est comme si l'image familière dans le miroir se mettait à bouger, comme si ses contours se modifiaient. D'une certaine façon, on devient quelqu'un d'autre et ça fait bizarre.

Pour surmonter le premier obstacle, la paresse, il faut être motivé par une perception claire de la valeur de ce que l'on recherche : la vérité.

Il n'y a rien de plus précieux à connaître que la vérité sur cette terre. C'est la vérité qui libère, c'est elle aussi qui permet d'avoir une prise sur le réel, de pouvoir agir - agir sur soi, sur les autres, sur le monde. Sans vérité, on est totalement démuni et impuissant. Que pourrait faire un poisson qui se prendrait pour un oiseau ?... Quel avenir aurait une poule qui prendrait les renards pour des chiens ?... La vérité donne le pouvoir sur soi et sur sa vie - il n'y a qu'elle qui puisse le donner.

Pour surmonter le deuxième obstacle, il faut se redéfinir soi-même non par rapport à ce qu'on croit déjà, mais par rapport à son aspiration principale : le noyau de notre être ce n'est pas l'athéisme, le communisme, l'enseignement ou le commerce, ni rien de ce qu'on croit ou qu'on fait déjà, mais ce qu'on veut : la vérité. Le centre de notre être, ce qui nous définit en tant qu'être humain, ce ne sont pas nos croyances contingeantes ni notre passé plus ou moins valable, mais bien cet amour de la vérité, cette quête de la vérité.

Si l'on parvient à se visualiser sous ce jour, on ne craindra plus de perdre ses contours en changeant d'opinion, et on ne refusera plus une vérité nouvelle sous prétexte qu'elle nous dérange dans nos habitudes et notre définition de nous-même ; l'on sera prêt au contraire à troquer des croyances anciennes contre d'autres idées plus rationnelles, et à subordonner nos émotions à notre logique - ce qui est bien souvent la meilleure chose à faire...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La critique à cette qualité, celle de pouvoir etre critiquée,
elle ne gouverne pas, elle est just là pour faire voir autrement.
La critique n'est pas renfermée dans ses opinions,
et est en constante évolution, celle de pouvoir apprendre, ensemble. Chaqu'un peut apporter son jugement dans la critique, sa libre pensée. Une pensée personnelle qui peut-etre elle même critiquée. Mais la critique n'est pas toujours négative et souhaite démontrer que l'on peut observer de cause à effet qu'il y a une autre solution quelque part. Mais elle agite aussi la crainte de l’inconnu, de l’incertitude, et laisse anticiper la possibilité d’une remise en question, voila pourquoi elle dérange.

J'avais ecris ça, il y a quelques temps sur un vieux blog, en gros ne pas toujours ce fier aux apparences.

Encore un beau texte sage et d'esprit qui incite a la reflexion.