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LA LETTRE BLEUE
(Chaque matin, une citation commentée par Lucia Canovi)


 

11 août 2006

"Qui suis-je?"

On a tous besoin d'avoir une réponse à cette question. On a tous besoin de savoir qui on est pour fonctionner dans le monde.

Les personnes qui ne savent pas du tout qui elles sont - il y en a - sont coincées, ligotées par un point d'interrogation en noeud coulant. Leur incertitude sur un point absolument fondamental, les paralyse.

A cette question vitale, il y a de "bonnes" et de "mauvaises" réponses.

Pour comprendre comment il peut y avoir une mauvaise réponse à la question "qui suis-je?", il faut visualiser son identité comme une maison. Où va-t-on la construire?... Sur quel type de terrain ?

Si l'on se définit par son métier, on construit la maison de son identité sur du sable. Au moindre glissement du terrain, tout se cassera la figure. Il suffit d'une mise à pied, d'un congé qui se prolonge... pour que tout tombe. Ceux qui décident "je suis plombier, c'est ça mon être" (plombier ou homme d'affaire, ou n'importe quoi d'autre...) mettent au centre ce qui ne devrait être qu'à la périphérie. Ils donnent à un point de détail contingent la place de l'essentiel.

Résultat : dès qu'ils changent de métier ou que leurs vacances se prolongent, ils sont perdus, désorientés. Privés de leurs repères.

Pour être solide et rassurante, la maison de l'identité doit être batie sur du roc : une base inaltérable.

Plusieurs possibilités : revenir à la base. Qui suis-je ?.... Un être humain. Plus précisément, une femme (ou un homme). Ces réponses ouvrent elles-mêmes sur beaucoup de questions (c'est quoi, un être humain ?... le cousin germain d'un singe, ou autre chose ?... c'est quoi un homme, une femme ?) mais elles ont le mérite de ne pas être à la merci des circonstances. Quoiqu'il arrive, on restera un être humain, une femme.

Mais bien sûr, personne ne peut se satisfaire d'une définition aussi générale. On veut savoir de manière plus spécifique et précise, ce que l'on est, qui l'on est.

La solution la plus banale consiste à se définir par son passé - et ce qui s'est passé hier, c'est déjà du passé. On dit : "je suis timide", parce que jusque là, on l'a été. Ou : "je suis angoissé, nerveux" parce que jusque là, on l'a été. Ou : "je suis rêveuse" parce que jusque là, on l'a été.

Ce type de définition de soi paraît juste - mais il représente mine de rien un contrat passé avec l'avenir : "je m'engage à rester toujours la même personne, quoiqu'il arrive, et quand bien même ce que je suis ne me satisfairait d'aucune manière."

Se définir par ce qu'on a été dans le passé, c'est se programmer pour rester éternellement (c'est-à-dire, jusqu'à la mort) ce qu'on a été jusqu'à ce jour. C'est rater l'opportunité du présent, le présent du présent : aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie...

Bâtir son identité avec son passé, c'est bâtir une maison sans porte ni fenêtre dont on sera "l'hôte" à perpétuité.

Même si cette démarche parait à première vue moins rationnelle, il est infiniment plus sage de baser son identité sur son futur.
Il ne s'agit pas de se définir comme "le futur gagnant du loto", mais plutôt de clarifier à ses propres yeux son but, son objectif, et de le placer au centre de sa définition de soi.

Que cherche-t-on ?
Que veut-on au plus profond de soi ?...

Exemples : je veux être utile aux autres et m'améliorer. Ou : je veux servir la vérité. Je veux comprendre.

La vie n'est qu'un voyage, et de gré ou de force, nous ne sommes que des voyageurs. Notre identité est fugace comme nous le sommes ; la seule façon de la soustraire aux aléas, c'est de la fonder sur quelque chose de métaphysique, et donc de plus solide et durable que le monde matériel où tout bouge, s'use, s'effrite, s'effondre.

S'appuyer sur une direction, une intention, un choix, c'est bâtir la maison de son être sur de la roche - comme ces châteaux cathares dont les ruines surplombent encore le paysage, dix siècles après leur construction.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est sur que tu pourrais faire quelque chose de beaucoup plus enrichissant que prof de français, même si cela est un trés bon metier, ton sens de la phylosophie est trés devellopé, tes blogs méritent d'etre connus, car ça pourrait aider bons nombres de gens.

Adeline Bonnin a dit…

Prof de français, un très bon métier ?... Il y a vingt ans, oui...

Anonyme a dit…

Je parlais de l'image, l'enseignement d'une langue.
C'est clair que l'enseignement national de notre pays mérite d'etre revu de fond en comble...