Lorsqu'on compare ce qui s'écrit dans les journaux et les livres aujourd'hui, à ce qui s'écrivait il y a une trentaine ou une cinquantaine d'années (disons avant les années 70), on éprouve souvent une espèce d'étonnement.
Il y a dans les écrits de ce passé pas si lointain, un quelque chose de différent. De plus frais, de plus vivant... ils dégagent une espèce de parfum vert... - en fait, en eux-mêmes ils n'ont rien de si extraordinaires, mais nous sommes habitués à des écrits tellement fades, tellement insignifiants, que par comparaison ceux de ce passé proche paraissent presque géniaux, car ils disent quelque chose.
L'ère post-moderne (maintenant) est celle du Blabla.
Nos démocraties ont un roi, un monarque absolu : Blabla.
Nos journalistes ont un idéal stylistique et idéologique : Blabla.
Nos intellectuels ont un maître à ne pas penser : Blabla.
Et le silence lui-même recule, désappointé, devant les attaques du grand conquérant : Blabla.
Voici un petit texte (prophétique ?) datant d'une centaine d'années, plus ou moins :
"Comment affaiblir la pensée publique par la critique, comment lui faire perdre sa puissance de raisonnement, celle qui engendre l'opposition, et comment distraire l'esprit public par une phraséologie dépourvue de sens ?...
De tout temps, les nations, comme les individus, on prit les mots pour des actes. Satisfaits de ce qu'ils entendent, ils remarquent rarement si la promesse a été vraiment tenue...
Pour s'assurer l'opinion publique, il faut tout d'abord l'embrouiller complètement en lui faisant entendre de tous côtés et de toutes manières des opinions contradictoires, jusqu'à ce que les gens soient perdus dans ce labyrinthe."
Phraséologie dépourvue de sens : voici une excellente définition du blabla. Pour "affaiblir la pensée" et "faire perdre la puissance de raisonnement", le blabla est la meilleur des méthodes.
En effet, à la différence du mensonge pur et simple, qui reste détectable et dénonçable, le blabla présente une surface lisse. Il est très difficile de lui répondre (puisqu'il ne dit rien) et impossible de le réfuter (puisqu'il ne dit toujours rien). Et pourtant, ce vide est efficace - aussi efficace que peut l'être la chute régulière d'une goutte d'eau sur le même point du même rocher : l'eau finit par vaincre, et creuser, le rocher.
De même, le blabla agit d'une manière discrète, pernicieuse, sournoise... et puissante. De sa "phraséologie vide de sens" s'élève progressivement un brouillard où les idées claires et distinctes s'estompent. Peu à peu, par la seule puissances de ces mots sonores qui ne disent rien, l'esprit s'obscurcit, le raisonnement perd sa puissance.
Nous vivons sous la monarchie absolue de Blabla.
ça n'a pas toujours été le cas, et ça ne devrait pas forcément être le cas...
09 septembre 2006
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